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Full text of "Le tampon du capiston; vaudeville militaire en 3 actes de André Mouëzy-Éon, Alfred Vercourt et Jean Bever"

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26^5 
08T3 
1913 


iMàri  MpUE^-EON,  Alfred  VERCOURT  et  Jean  BEVER  ^ 

^-  ^^ — 

Le  Tampon  du  Capiston 

VÎiudeville  militaire  en  3  actes 


Créé  au  Théâtre  Déjazet,  le  20  Septembre  igiS 


Version    conforme    au    théâtre 

3*    Edition 


^    Prix  net  ;  7  fr.    ^ 

NOTA.  —   Il  oxisle  au  même  prix  une  édilion 
pour  théâtre  d'amateurs  et  soirées  de  tarai  Iles 


PARIS 

L.   BILLAUDOT,   Editeur 

14.  "Rue  de  l'Echiqwer,  Varis  {X'-) 


Tous  droits  d'txécutioii  publique  et  de  reproduction  réservés  pour  tous  pays 
N.  B.  —  Toute  copie    a   la    main   ou   reproduction   des  rôles    est 
forinelleii.ent  interdite  par  la  loi  et  passible  d'amende . 

Copyright  April  1918,  by  Mouëzy-Hon,  Vci'îourt  et  Bever 


irx- 


BÂRBFS.  MOUSTACHES,  PERRUQUES 

SOT  A    —    1,     ,.H(f    canpter    dix  jours  pvw  la  livraison  dê> 

Barbes  ft  l'erruqt/rs.  Joindre  eu  plus  ifr.5()  pour  chaque 

perruque   co:nvu:    frais    de    port    et    d'etubi^ilage  quand 
celles-ci  devront  être  envoyées  par  la  poste. 

Nez  canon  toilo^  loulcs  nuances.  .  .  Chaque  genre.  2  » 
Colle  pour  co'.Ior  les  nionsoclies  sur  Kaze  .  Le  tiacon.  2  • 
Barbes  av«;c  Moustaches  Moutcs  nuances,  hien  indi- 
quer la  nu;M).-e).  sur  f^azo  tille  (!e  viile  (à  coller)  .  .  22  50 
Barioes  avec  Moustaches  en  tresse  (touies  nuances).  6  25 
Moustaches,    toutes     imanie».     sur    gaze    (à    colleri. 

Cliaquc 1  25 

Moustaches,  toutes  nuances,  à  crochets.     .       Chaque  1     a 

Favoris,  toutes  nuances,  en  tresse 5     , 

Favoris  toutes  nuances      .     .    sur  gaze  (à  colle  ...  7     » 
Favoris  rouges  d'Anglais.        —        ...•..?. 

Collier  d'Auvergnat  .     .     (sur  tresse)      .     .          .     .  6  25 

Fer  à  cheval 5     „ 

Bouc 

Impériale  sur  tulle,  barbiche,  mouche 1  25 

Perruques  de  Chauve.     .     .                    u          en  crêpé  20    • 

—  Curé.     ...                     "0              _  2U    » 

—  Paysan     .    .                     C              __  20    . 

—  Soldat.     .      .                       J               -.  20     . 
DcDiestique-                      £                —  20     » 

—  Vieux  beau                       *                _  22     » 

—  Gonanaeux                          '^               _  20     » 
Breton      .                           t               -_  22  50 

—  Vieillard  {.ris                       J                _  22     » 

—  Savant-Vieillard 

blanc     .     .                       ^                  -_  22  50 

—  Jocrisse  .     .                      t<         «u  yack.  27    w 

—  Pitre,  Clown.                  i*               _  27    « 

—  Louis  XIII.                      '             crêpé.  21     . 

—  Marquis  Louis  XV        X          en  laine  'd2  10 

—  Louis  XIV.                       2            crèpé.  '.^^    ' 

—  Mousquetaire.                 *              —  30     » 

—  Femme   doiiies  numce.^        5              —  30     » 

—  Pege   moyen  âge          £             —  22  5u 

—     mignon.                   W              —  22  50 

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LE  TAMPON  DU  CAPISTON 

V«ud«  Tille  militaire  en  3  «cte» 

Dl 

Aniré  MOUËZY-ÉON,  Alfred  VERCOURT  et  Jean  BEVEB 


U?  '3 


/'.v^v     'i  i^  4y^^ 


PERSONNAGES 


COCHU,  ordonnance Médt. 

LE  CAPITAINE  REVERGHON  .  . .  Charlier. 

LE  COMMANDANT   FOURCADET  Coradin. 

LORMOIS,  chasseur Aldebert. 

MAITRE  POUPONET,  notaire  ....  Grandet. 

PASTINI,  maréchal  des  logis  rengagé  Dechambre. 

BRIFFOTEAU,  chasseur    Melville. 

MICHONDARD,  chasseur    Dinet. 

HORTENSE   Germaine   Étt. 

YVONNE a.  Dancen Y. 

MÉLANIE Géo  Suisser. 


LE  TAMPON  DU  CAPISTON 


ACTE  I 


(Le  salon  du  capitaine  Reverchon.) 
(Au  fond,  un  peu  vers  la  droite,  une  grande  fenêtre 
donnant  presque  de  plain-pied  sur  la  rue.  Un  peu  à  gau- 
che, une  porte  donnant  sur  le  vestibule.  Entre  la  fenêtre 
et  la  porte,  un  piano  droit.  A  gauche,  une  porte  conduisant 
aux  chambres  d'Hortense  et  d^  Yvonne.  A  droite,  une 
porte  donnant  sur  la  chambre  du  capitaine.  A  droite,  une 
table  sur  laquelle  est  posée  une  jardinière,  où  pousse  un 
hortensia.  Des  chaises.  Une  servante  au  deuxième  plan 
gauche.  Premier  plan  gauche,  un  canapé  avec  coussins^ 
Aux  murs,  tableaux  et  panoplies.  Un  lustre.) 

SCÈNE  I 

LE  CAPITAINE,  HORTENSE,  YVONNE 

(Au  lever  du  rideau,  Hortense  tenant  un  morceau  de 
de  musique  à  la  hiain,  chante,  accompagnée  par  Yvonne, 
qui  est  au  piano,  et  par  le  capitaine,  qui  joue  de  la  flûte 
devant  son  pupitre.) 

Hortense,  chantant 

{Air  :  Le  Pré  aux  Clercs) 
Rendez-moi  ma  patrie      )    , . 
Oa  laissez-moi  mourir  !     ) 

(Le  capitaine  souffle  dans  sa  flûte^  sans  s*occuper  du 


4  tR    TAMPON    DU    CAPISTOR 

Yvonne,  s* arrêtant  de  jouer 
Oh  I  non,  papa,  non,  ce  n'est  plus  possible,  tu  joues 
faux. 

Le    capitaine,    debout,    s'arrétam    de    jouer 
,.    Coniment,  je  joue  faux  ? 

Yvonne 

Na  »rellement,  tu  vas  plus  vite  que  moi.  Tu  ne  peux 
pas  te  faire  à  l'idée  que  la  flûte  et  le  piano  doivent 
ob'Tver  la  même  mesure. 

Le  capitaine 

pourquoi,  la  même  mesure,  quand  le  piano  est  une 
petite  fille  et  que  la  flûte  est  capitaine  ? 

Hortense,  qui  a  tenu  sa  note  pendant  ce  temps-là 
Vous  n'avez  pas  fini  de  vous  chamailler  au  moment 
où  je  venais  de  réussir  mon  la  bémol  ? 

Yvonne 
Alors,  recommençons,  vous  êtes  prêts  ? 

Le  capitaine 

t     Oui. 

Yvonne 

Une,  deux,  trois...  (Yvonne  recommence  à  jouer  du 
piano.  Le  capitaine  souffle  dans  sa  flûte  avec  plus  de 
calme.) 

Hortense,  détonnant 

Rendez-moi  ma  patrie      i     j. 
Oa  laissez-moi  mourir  I     ) 

Le   capitaine,  cessant  de  jouer 

Oh  !  là,  là  I  (A  Yvonne.)  Laissons-la  mourir,  mais] 
<î»e  ça  finisse  I 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  & 

HoRTENSE,  s'arrêtant 
Qu'est-ce  que  vous  avez  ? 

Yvonne,  qui  s^est  levée 
Tu  détonnes,  ma  tante  I 

HORTENSE 

Je  détonne,  moi  ?... 

Le  capitaine 

:jijajii[tt-^      Oui...  tu  détonnes  de  t'étonner  I...  Non...  tu  t'étonnes 
de  détonner  I 

HoRTENSE,  vexée,  passe  à  gauche 

C'est  bon,  je  ne  chante  plus... 
(Elle  s^assied  sur  le  canapé  et  s^évente  avec  son  mou' 
choir.) 

Le  capitaine,  gagne  le  milieu 

1  —   Tu  tâcheras  d'être  plus  en  voix  demain  pour  roucou- 
ler devant  le  commandant... 

Hortense 
J'ai  peur  que  l'émotion  me  paralyse  mes  moyens... 
Depuis  que  tu  m'as  appris  que  le  commandant  aspirait 
à  ma  main... 

Le  capitaine 
Il  y  aspire,  c'est  certain...  Il  ne  me  l'a  pas  encore 
demandée  positivement,  mais  il  ne  saurait  tarder  à  se 
déclarer...   (Hortense  soupire.)  Pourquoi  soupires-tu  ? 

Hortense 
L'idée  de  dire  adieu  à  ma  vie  de  jeune  fille...  (Se 
levant,  en   colère,  au  capitaine  qui  pouffe.)  Je  ne  suis 
pas  une  jeune  fille  ? 

Le  capitaine 
jmjgrmm.   Si,  si...  Tu  es  une  vieille  fille... 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

HoRTENSE,  outrée 
Comment  ? 

Yvonne,    redescendant    au    milieu,    et    conciliante,    à 

Hortense 

Papa  veut  dire  que  tu  es  une  jeune  vieille  fille. 
(Elle  remonte.) 

Le  capitaine 

Enfin,  telle  que  tu  es,  tu  as  encore  de  très  beaux 
restes,  et  je  suis  ravi,  pour  ma  part,  que  tu  aies  fait  la 
conquête  du  commandant...  (Se  frottant  les  mains.) 
Non  seulement  tu  vas  être  casée,  mais  cette  alliance 
m'aidera  à  décrocher  mon  quatrième  galon... 

Hortense,  soupirant 

Un  commandant,  ce  n'est  pas  ce  que  j'avais  rêvé  î 

Le  capitaine 

^    Mazette...  Tu  es  difficile...  qu'est-ce  qu'il  te  faHait  ? 
Un  général  de  corps  d'armée  ? 

Yvonne 

Le  commandant  est  encore  très  bel  homme,  malgré 
sa  cinquantaine. 

Hortense,  avec  une  moue 

Un  commandant  gagne  cinquante  francs  par  jour  | 

Le  capitaine 

Pour  toi,  il  n*y  a  que  l'argent  qui  compte  !  (Yvonne 
remonte  au  piano.)  Mais  je  te  préviens,  je  n'admettrais 
jamais  que  tu  épouses  par  intérêt  quelque  nouveau 
riche  indigne  de  notre  famille... 

Hortense 
Rassure-toi  I... 


te  tampon  du  capiston  7 

Le  capitaine 
Un  Monsieur  Durand  ou  Dupont  de  Château-Gon- 
tier,  ce  trou  où  nous  végétons  depuis  si  longtemps. 

HORTENSE 

Quand  on  a  l'argent  on  a  tout  le  reste. 

Le    CAPITAINE 

Nous  savons  que  tu  n'attaches  pas  tes  chiens  avec 
des  cervelas.  Mais,  comme  Rothschild  ne  t'a  pas  remar- 
quée, je  t'engage  à  ne  pas  rater  ce  parti-là  si  tu  ne  veux 
pas  mourir  comme  Jeanne  d'Arc... 

HoRTENSE 

Sur  un  bûcher... 

Le    CAPITAINE 

Mais  non..,  pucelle  !  (Il  remonte  à  son  pupitre.) 
HoRTENSE,  vivement,  en  le  suivant 

Pucelle  !...  Oh  1  non  !  tout,  mais  pas  ça  1  C'est  entendu, 
Hector,  j'épouserai  le  commandant.  (A  part,  et  repre- 
nant son  morceau  de  musique)   Vierge  ou   martyre  1 

(Le  capitaine  se  remet  à  son  pupitre  et  Yvonne  au 
piano.) 

Le    CAPITAINE 

Attention  !  Une,  deux,  trois... 

HoRTENSE,  chantant 

Rendez-moi  ma  patrie      i    ^^ 
Ou  laissez-moi  mourir  l  S 

Le    CAPITAINE 

Ça  va,  ça  va  !  Et  surtout  la  chute  du  morceau,  soigne 
la  chute  ! 

(A  ce  moment  paraît  Cochu  qui  entre  de  droite,  portant 
une  pile  de  linge,  si  haute,  si  haute  qu^elle  Vempêche  de 


9  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

foir  devant  lui.  Au  moment  où  le  capitaine  dit  :  «  Soignom 
la  chute  »,  il  heurte  ce  dernier  et  laisse  choir  le  linge  qui 
tombe  sur  le  pupitre.) 

SCÈNE   II 

LES  MÊMES,  COCHU,  MÉLANIB 

HoRTENSE,  gagnant  Vextrémité  gauche 
L'idiot  1 

(Yvonne  s^est  arrêtée  de  jouer  et  s^est  levée,  pendant 
le  dialogue  qui  suit.) 

Yvonne,  se  levant 
Le  maladroit  ! 

Le   capitaine,   debout  et  qui   a  placé  sa   fliUe 

sur  le  pupitre 
"ous  ne  pouvez  pas  faire  attention,  crétin  ! 

CoCHU 

Pardon...  Excuse,  mon  capitaine...  La  pile  était  trop 
l'haute  ! 

Le  capitaine,  descendant  à  droite 
^   Quoi  ? 

CocHU,  tremblant 
Il  y  avait  trop  de  linge  dans  la  pile  ! 
Le  capitaine 
•■  Tu  n'avai.«  qu'à  en  mettre  moins,  abruti  I 

CoCHU 

C'était  pour  pas  faire  deux  voyages  ! 

Hortense 
En  attendant,  vuilà  un  blanchissage  à  recommencer... 
(Ramassant     un     pantalon.)     Oh  !     mes     pantalons... 


LE    TAMPON    DU    CAPISTOM  !> 

(A  Cochu,  furieuse.)  Dans  quel  était  avez-vous  mis 
mon  trou-trou. 

Cochu 
S'il  vous  plaît  ? 

HoRTENSE,  brandissant  le  pantalon 
Mon  trou-trou,  là...  Vous  ne  savez  pas  ce  que  c*est  ? 

COGHU 

C'est  l'ouverture  du  phalzar... 

HORTENSE 

Mais  non,  imbécile,  c'est  de  l'entre-deux... 

Cochu 
De  Tentre-deux,  quoi  ? 

HoRTENSE,  crispée 
Oh  I  Cet  ordonnnace  est  vraiment  trop  bête  I 

Le  capitaine,  à  Cochu 
Eh  bien  I  qu'est-cp  que  vous  attendez  pour  ramasser 
tout  ça  ? 

Cochu,  se  précipitant 
Voilà,  mon  capitaine...   (Au  fur  et    à  mesure     qu'il 
ramasse   une  pièce   de    linge,  il  en  laisse  retomber  une 
autre.  A  part.)  C  qu'il  y  en  a,  bon  Dieu  1  c'  qu'il  y  en  a  l 

HORTENSE 

Eh  bien,  hâtez-vous  1 

Cochu 
Je  m'hâte,  Mademoiselle...  Je  m'hâte...  {Il  se  baisse. 
à  part.)  C'est  pas  possible,  il  en  pousse  I 

Yvonne,  à  Cochu 

Attendez,  mon  ami,  je  vais  vous  aider... 
(Elle  ramasse  le  linge.) 


lO  LE    TAMPON     DU    CAPISTOB 

COCHU 

Merci,    Mademoiselle... 

HoRTENSE,  à  Cochu 

Relevez- vous,  grand  serin  I  (Cochu  obéit.)  Là... 
tendez  les  bras  1  (Aidée  ci' Yvonne,  elle  empile  sur  les 
bras  de  Cochu  le  linge  qu'  Yvonne  lui  passe.)  Et  ne  bougez 
pas,  surtout... 

Cochu,  craintif 

C'est  que  j'ai  envie  d'éternuer... 

Le  capitaine,  menaçant 

Si  tu  éternues,  tu  auras  deux  jours  ! 

Cochu,  comprimant  son  éternuement 

Bien,  mon  capitaine... 

HORTENSE 

Et  maintenant  suivez-moi,  vous  m'aiderez  à  ranger 
ça  dans  l'armoire... 

(Elle  sort  la  première  à  gauche.) 

Cochu,  la  suivant 

Mademoiselle...  des  fois  que  vous  auriez  la  bonté  de 
me  moucher...  (Il  sort  à  gauche.) 

Yvonne,  riant 
Pauvre  Cochu. 

Le  capitaine 

Ah  1  celui-là...  Il  n'a  pas  inventé  la  machine  à  matri- 
culer  I 

MÊLANTE,  entrant  du  fond 

Le  secrétaire  de  Monsieur  est  là. 

Le  capitaine 

\h  !  Lormois...  qu'il  entre... 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  11 

(Il  se  dirige  vers  la  table.  Mélanie  sort  par  U  fond  et 
livre  passage  à  Lormois.) 

SCÈNE   lïl 

YVONNE,  LE  CAPITAINE,  LORMOIS 

(Lormois^  type  de  soldat  pommadé,  tenue  de  fanlaisiCy 
extrêmement  chic,  allure  précieuse,  un  peu  poseur, 
entrant,  sa  main  gauche  cachée  derrière  son  dos,  une 
liasse  de  papiers  dans  une  serviette  sous  son  bras  droit. 
En  même  temps  que  les  papiers,  la  serviette  doit  contenir 
une  lettre.) 

Lormois 
Mon  capitaine...  (Salut  militaire.  A  Yvonne.)  Made* 
moiselle,  mes  hommages... 

Yvonne,  baissant  les  yeux 
Bonjour,  Monsieur  Lormois... 

Le  capitaine 
Bonjour,  mon  ami,  bonjour...  Quoi  de  neuf  aujour- 
d'hui ? 

Lormois,  tendant  les  papiers  au  capitaine 
Ces  papiers  à  signer,  mon  capitaine. 

Le  capitaine 
Bigre  1    II  y  en  a  quelques-uns  !...  Bon,  donnez... 
(Les  prenant.)  Attendez  ici  que  j'aie  fini...  (Il  s'assied 
à  la  table,  y  pose  les  papiers,  s'installe  devant  une  chaise 
et  commence  à  signer  les  papiers.) 
Lormois,  allant  à  pas  de  loup  vers  Yvonne  qui  est  au 
fond,  à  droite.  A  mi-voix 
Mademoiselle   Yvonne,     voulez-vous  me  permettra 
de  vous  offrir  quelques-unes  de  vos  sœurs  ?... 


IJ  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

(Il  lui  tend  un  bouquet  de  violettes  qu'il  cachait  derrière 
êon  dos.) 

Yvonne,    à   mi-voix,   prenant   le   bouquet 
Monsieur  Hyacinthe,  vous  êtes  un  flatteur... 

LORHOIS 

Quand  pourrai-je  vous  voir  autrement  qu*à  la  déro- 
bée... entre  deux  portes  ?... 

Yvonne 

Quand  papa  vous  aura  accordé  ma  main. 

LORMOIS 

Je  tremble  de  la  lui  demander...  Il  est  capitaine,  je 
suis  simple  soldat... 

Yvonne 

Monsieur  Hyacinthe,  vous  êtes  un  poltron...  Cette 
situation  ne  peut  se  prolonger...  Vous  allez  faire  votre 
demande  immédiatement... 

LoRMOis,  résigné 

Si  vous  l'exigez...  (Enlevant  son  képi  et  s^ avançant 
çers  le  capitaine.)  Mon  capitaine,  voulez-vous  me  per- 
mettre de  vous  adresser  une  requête  personnelle  ? 

Le  capitaine,  sans  lever  la  tête  de  dessus  ses  papiers 

Oui,  mais  faites  vite. 

LORMOIS 

Hum  !...  Hum...  Mon  capitaine,  bien  qu'il  y  ait  entre 
vous  et  moi  l'abîme  de  la  hiérarchie  miHtaire,  je  viens, 
poussé  par  un  sentiment  puissant... 

Le  capitaine 

^iseUstSSL,.    Bon  Dieu  que  c'est  long  !  que  c'est  long  !...  (Regardant 
les  cheveux  de  Lormois  et  allant  à  lui.)  Oh  !  mais  ça 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  13 

aussi,  c'est  long,  mou  bon  ami,  beaucoup  trop  long 
même... 

LoRMOis,  qui  ne  comprend  pas 
Quoi  donc,  mon  capitaine  ? 

Le  capitaine 
Ces  cheveux-là...  Ils  ne  sont  pas  à  l'ordonnance... 

LORMOIS 

Mon  capitaine  m'excusera,  c'est...  c'est... 

Le  capitaine 

C'est  deux  jours  pour  les  cheveux,  vous  n'avez  droit 
qu'à  deux  centimètres  et  les  vôtres  en  ont  douze... 
Vous  m'êtes  très  sympathique...  Je  regrette  infiniment.. 
(Retournant  à  sa  place.)  Mais  que  voulez-vous,  mon 
brave,  c'est  le  règlement...  (Assis  à  la  table.)  Mainte- 
nant continuez,  je  vous  écoute...  (Il  se  replonge  dans 
3es  paperasses.) 

LoRMOis,  abasourdi 

Hum  !  hum  I  (A  Yvonne.)  Mademoiselle...  vou** 
voyez...  Ça  n'est  pas  le  moment... 

Yvonne 

Si,  si...  Mais  ne  vous  emberUficotez  pas  dans  vos 
phrases. 

Le  capitaine, à  Lormois^en  continuant  de  signer  les  pièces 
Eh  bien,  Lormois  ? 

LoRMOis,  mettant  ses  gants  de  daim 

Mon  capitaine,  mon  vœu  le  plus  cher  serait  que  vous 
consentissiez  à  m'accorder... 

(Ce  disant,  il  fait  un  geste  de  sa  main  droite  qui  est 
gantée  de  daim.) 


14  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

Le   capitaine,  relevant  la  tête  et  voyant  les  gants 
f     Deux  autres  jours,  mon  petit  Lormois,  je  vous  accorde 
deux  autres  jours.. 

LORMOlS 

Quoi  ?... 

Le  capitaine 

Pour  vos  gants  de  peau  :1e  simple  cavalier  n'a  droit 
qu'aux  gants  moufles  en  laine  bleue  ;  le  veau  et  le 
daim  sont  réservés  aux  ofliciers...  Vous  m'êtes 
très  sympathique...  Je  regrette  infiniment,  mais  que 
voulez-vous,  c'est  le  règlement.  D'ailleurs,  que  cela  ne 
vous  empêche  pas  de  continuer  votre  petite  histoire... 

(Il  se  remet  à  signer  les  pièces.) 

Lormois,  de  plus  en  plus  abasourdiy  reculant  vers  Yvonne 
Mon  capitaine,  vous  êtes  trop  bon,  mais  je  craindrai^ 

d'abuser. 

Yvonne 
Mon   pauvre    Hyacinthe...    Il   faudra   recommencer 

demain... 

Lormois 
C'est  ça...  j'attraperai  encore  quatre  jours...  Pour 

peu  que  je  demande  votre  main  tous  les  matins,  je 

finirai  par  faire  cinq  ans... 

Yvonne 

Eh  bien  alors,  parlez  tout  de  suite...  Un  peu  d'énergie, 
que  diable  1 

(Pendant  ces  quelques  mots,  le  capitaine  prend  la  lettre 
contenue  dans  la  serviette  et  la  lit.) 

Lormois 
Au  fait,  vous  avez  rai.son,  plus  de  tergiversation. 
Vous    allez    voir...     (Allant    hardiment    au    capitaine.) 
Mon  capitaine,  j'ai  l'honneur  da  vous  demander 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

Le  capitaine,  avec  éclat 

Sacré  mille  millions  de  tonnerre  de  bon  Dieu  1 
(Lormois  recule^  épouvanté,  au  fond.) 

Yvonne 
Qu'y  a-t-il,  papa  ? 

Le  capitaine,  brandissant  une  lettre 

Il  y  a  une  lettre  du  commandant,  que  cet  animal  a 
)ublié  de  me  signaler... 

Lormois,  balbutiant 
En  effet,  mon  capitaine,  je... 

Le  capitaine,  lisant  sans  Vécouter 

«  Mon  cher  capitaine,  je  ne  suis  pas  libre  demain. 
Je  viendrai  donc  aujourd'hui  à  cinq  heures  prendre  la 
tasse  de  thé  que  vous  m*avez  offerte.  Mes  respecteueux 
hommages  à  M"®  Hortense.  Votre  :  Commandant 
Fourcadet...  »  Cré  nom  1  à  cinq  heures  !  Mais  c'est 
dans  vingt  minutes  !...  Eh  bien,  nous  sommes  frais  I 
(Appelant.)    Hortense  !    Hortense  I 

(Yvonne  vient  près  du  piano.) 

SCÈNE   ÎV 

LES  MÊMES,  HORTENSE 

Hortense,  entrant  par  la  gauche  et  descendant 
Quoi  ?...  Qu'est-ce  qu'il  y  a  ?... 

Le  capitaine,  affolé 
Il  y  a...  Il  y  a...  que  le  commandant  sera  ici  dans  un 
quart  d'heure  et  que  nous  n'avons  rien  de  prêt.-. 
(Il  va  à  V extrême  droite.  ) 


16  LE    TAMPONDU       CAPISTON 

HORTENSE 

Dieu  du  ciel  I 

LORMOIS 

Mon  capitaine,  je  ne  veux  pas  ttre  importun,  mail 
ce  soir...  j'ose  espérer... 

Le  capitaine,  allant  à  Lormois  et  le  poussant  vers  la 
porte  du  fond 
J'ose  espérer  que  vous  allez  débarrasser  le  plancher, 
mon  jeune  ami...  Commandant,  thé,  fiançailles... 
N'oubliez  pas  de  passez  chez  le  perruquier  et  de  faire 
vos  quatre  jours...  (Retenant  à  la  table.)  Vous  m'êtes 
très  sympathique... 

Lormois,  essayant  de  saluer 
Mesdemoiselles...  mes  respectueux... 

Le  capitaine,  furieux,  revient  vers  Lormois  et  le  faisan 

pirouetter 

'     Allez...  ça  va...  ça  va...   (Il  le  pousse  dehors.)  Vous 
m'êtes  très  sympathique,  mais  foutez-moi  le  camp  I 

SCÈNE  V 

LES    MÊMES,    moins    LORMOIS,    puis    M.ÉLANIE, 
puis  COCHU 

Le  capitaine 
Mes  enfants,  nous  n'avons  pas  un  instant  à  perdre... 
Il  faut  que  dans  quinze  minutes  nous  soyons  tous  asti- 
qués,  équipés   et   prêts  à   recevoir   le   commandant.^ 

Hortense 
Hector  1  Je  suis  toute  agitée  I 


le  tampon  du  capistoif  17 

Le  capitaine 
(Test  un  tort  1  Du  calme  I  Du  sang-froid  I...  Nous 
allons  livrer  une  bataille,  il  s'agit  de  la  gagner...  Soi- 
gnons nos  avant-postes  et  couvrons  nos  derrières.  Je 
vais  changer  de  i>3intalou. (Appelant.)  Cochu  1  Mélanie  1 
Mélanie  I 

MÉLANIE,  entrant  par  le  fond 
Voilà,  Monsieur... 

Le    CAPITAINE 

Courez  immédiatement.   (Mélanie  quitte  la  scène  en, 
courant.)  Eh  bien  !  où  allez -vous  ?   (A  Mélanie  qui  re-l 
fient.)    Courez  chez  le  boulanger,  vous  achèterez  crois-! 
sants,  gâteaux  à  la  crème,  babas,  toute  la  boutique, 
je  m*en  fiche,  achetez  toute  la  boutique... 

HoRTENSE,  à  Mélanie 
N'épargnez  rien...  Voilà  trois  francs... 

MÉLANIE 

Trois  francs  ! 

Le    CAPITAINE 

iiHiarr  Hep  !  Et  surtout  n'oubliez  pas  de  rapporter  une 
flûte  I  L'ordonnance  du  commandant  m'a  dit  qu'il  ado- 
rait ça  avec  le  thé  ! 

HORTENSE 

Vous  mettrez  la  flûte  au  four,  pour  qu'elle  soit  rôtie 
à  point. 

Lf  CAPITAINE,  à  Mélanie 
mUÊsmie:    Allons,  demi-tour...  et  au  trot  I 

MÉLANIE,  sortant  par  le  fond 
Trois  francs  pour  toute  la  boutique  I 

Le    CAPITAINE 

Et  Cochu  ?...  Qu'est-ce  qu'il  fait  encore,  celui-là  ? 
Cochu  I    Cochu  ! 


IS  LE    TAMTON    DU     CAPISTON 

CocHU,  arrii'ant  d^un  pan  Unt,  de  gauche 
Voilà,  mon  capitaine. 

Le  capitaine 
,    Qu'est-ce  que  tu  fabriquais  dans  la  cuisine  ? 

CoCHU 

Mélanie  m'a  dit  de  surveiller  son  pot-au-feu...  noon 
capitaine. 

Le  capitaine 

Surveiller  son  pot-au-feu...  qu'est-ce  «^ue  ça  veut 
jire  ?... 

CoCHU 

Sais  pas,  mon  capitaine...  Je  regardais  monter  les 
yeux  du  bouillon... 

Le  capitaine,  Vimitant 

Je  regardais  monter  les  yeux  du  bouillon.  Ce  garçon-là 
êst  Pandouille  la  plus  réussie  de  mes  escadrons  I 

(  Yvonne  arrange  la  table  et  les  chaises  et  gagne 
^extrême  gauche  pour  sa  réplique.) 

CoCHU,  qui  est  revenu  à  Horttnse 
Oui,  mon  capitaine. 

Le  capitaine 
p>    Taisez-vous  I 

HORTENSE 

Écoutez-moi  bien,  espèce  de  propre  à  rien  I  Vous 
aller  tout  de  suite  sortir  le  service  à  thé,  le  beau,  celui 
à  fleurs,  vous  essuierez  les  tasses... 

CoCHU 

Avec  un  torchon  propre  ?... 


LE    TAMFO^    DU    CAPISTON  19 

HoRTENSE,  furieuse,  levant  les  bras.  Le  capitaine  lèpe  les 
épaules  et  remonte  au  fond,  à  droite 
Naturelle Tiient,  pas  avec  un  sale...  Puis  vous  ébouillan- 
terez la  théière... 

CocHU,  interrogateur 
Je  la  bouillanterai...  Avec  quoi  ? 

Le    capitaine,    redescendant    vers    Cochu 
Avec  de  l'eau  bouillante,  abruti  1  Pas  avec  de  la 
glace  pilée. 

HORTENSE 

Ensuite,  vous  donnerez  un  coup  à  la  servante. 

Cochu 
Je  veux  bien  essayer,  mais  elle  va  me  flanquer  une 
tarte. 
(Yvonne  va  à  la  servante.) 

HORTENSB 

Qui  ça  ? 

CocHU 

La  servante,  donc...  Mélanie... 

Yvonne 
Il  ne  s'agit  pas  de  Mélanie,  mon  pauvre  ami...  La 
servante  c'est  ce  meuble-là.  (Elle  désigne  la  servante.) 

Hortense,  allant  à  Cochu,  et  bien  sous  son  nez 
Quel  idiot  !  Quel  crétin  !  Quelle  cruche  I  Quel  âne  I 

Cochu,  tremblant 
Oui,  Mademoiselle... 

Le  capitaine 
Calme-toi,    Hortense,   et   va  t'habiller  ...  Laisse-moJ 
aire...  Il  faut  le  prendre-  par  la  douceur... 


10  LE    TAMPON    DU    CÀPISTON 

HoRTEPfSE,  sortant  à  gauche 
Cette  brute  m'a  mis  les  nerfs  dans  un  état  I 

Le  capitaine,  à  Cochu 
Écoute,  Cochu.  Tu  vas  me  brosser  les  rideaux,  me 
cirer  le  plancher,  me  laver  les  carreaux,  m 'astiquer  les 
lK)utons  de  portes  et  les  cuivres  de  la  cheminée,  me 
batti'e  les  fauteuils,  me  secouer  les  tapis,  me  ramasser 
les  livres  qui  traînent,  me  jeter  les  fleurs  fanées  et  m'en 
mettre  des  fraîches  dans  les  vases...  (Yvonne  i>ient  à  la 
table.) 

Cochu 

C'est  tout,  mon  capitaine  ? 

Le  capitaine 
C'est  tout...  Et  arrange-toi  pour  que  ce  soit  fini 
avant  l'arrivée  du  commandant,  sans  quoi  je  te  consigne 
jusqu'à  la  gauche...  (Il  sort  à  droite.  Toute  la  scène  V, 
jusqu'à  la  sortie  du  capitaine^  doit  être  jouée  dans  un 
mouvement  très  rapide.) 

Cochu,  à  part 
Y  a  du  bon...   (A    Yvonne.)    Mademoiselle  n'a  pas 
d'ordre  in  me  donner  ?.., 

Yvonne 
Non,  mon  ami. ..Vous  avez  assez  de  besogne  comme  ça 

Cochu 
Non,  menteuse  1...  Oh  !  pardon.   Mademoiselle...  Je 
vas  chercher  mon  balai...  (Il  va  vers  la  porte  du  fond, 
puis  revient  vers  Yvonne.)  Et  dire  qu'il  y  en  a  qui  rem- 
pilent. (En  sortant  au  fond.)  Maladie  ! 

Y  YONNE,  seule,  allant  à  la  servante 
Quel  phénomène,  que  cet  ordonnance  !  (A  ce  moment 
Maître  Pouponet^  notaire,  tape  au  carreau  de  la  fenêtre,  i 


lE    TAMPON    DU    CAPISTOW  21 

SCÈNE   VI 

YVONNE,   MAITRE    POUPONET,  puis  MÉLANIE 

Yvonne,    se   retournant   et   allant   à   la   fenêtre 
Tiens  !  Mais  c'est  M»  Pouponet,  le  notaire...  (Ouvrant 
la  fenêtre.)  Vous  désirez,  Monsieur  ? 

Maître  Pouponet,  à  la  fenêtre 
Excusez-moi  de  vous  déranger,  MademoiseUe,  mais 
je  suis  extrêmement  pressé,  j*ai  une  communication 
à  faire  au  soldat  Lormois.  J'arrive  du  quartier.  On  m'a 
dit  que  son  service  le  retenait  ici... 

Yvonne 
En  effet,  Monsieur,  mais  il  vient  de  partir... 

Maître  Pouponet 
Savez-vous  dans  quelle  direction,  MademoiseUe  ? 

Yvonne 
Du  côté  de  l'église. 

Maître  Pouponet 
Je  vous  remercie  infiniment,  Mademoiselle,  je  vais 
essayer  de  le  rattraper...  Au  revoir,  MademoiseUe. 
Yvonne,  retournant  à  ui  fenêtre 
Au  revoir.  Monsieur. 
MÉLANIE,  entrant  du  fond,  les  mains  chargées  de  paquets, 
et  vient  à  Za  table 
Voici  les  gâteaux...  Je  les  ai  pris  à  crédit,  parce  que 
ce  n'est  pas  avec  les  trois  francs  de  M"«  Hortense... 

Yvonne 
Vous  avez  bien  fait   Mélanie...  Disposez-les  dans  les 
assiettes...  Je  vais      'habiUer...   (EUe  sort  à  gauche.} 


22  LP.    TAMPON    DU    ÇAPISTON 

MÉLANIE 

Bien,  Mademoiselle...  (Elle  reporte  les  gâteaux  sur  la 
servante  et  place  les  choux  à  la  crème  sur  la  petite  table 
n°  2.  Elle  cvmvience  à  mettre  les  gâteaux  dans  des  assiettes. 
La  f.or:e  du  hnd  s'ouvre.  Paraît  Cochu,  qui  a  mis  un 
tablur  bUu  et  qin  porte  une  immense  tête  de  loup.  Il  fait 
plusifuis  tertatwes^  pour  rentrer,  mais  chaque  fois  le 
maïuhe  de  la  téie  de  loup  se  heurte  au  liaut  de  la  porte. 
Apres  un  efjuri  brusque^  il  arrive  enfin  à  entrer  avec  un 
iracas  épouvantable.) 

SCÈNE   Vil 

MÉLANIE,  COCHU 

Cochu,  descend  à  droite 
Aie  donc  I 

MÉLANIE,  se  retournant  avec  un  cri 
Ah  !  fais'attention  I 

Cochu 
C'est  ma  tête  que  je  viens  de  cogner  sur  la  porte... 

MÉLANIE,  compatissante 
Tu  as  dû  te  faire  mal  ? 

Cochu 
Mais  non,  c'est  pas  ma  tête  à  moi,  c'est  celle  du  loup... 
{Il  fait  la  montre.) 

MÉLANIE 

A  la  bonne  heure 

Cochu,  va  poser  la  tête  de  loup  sur  le  piano 
Faut  que  je  fasse  le  salon  à  fond,  ordre  du  capitaine. 


i.E   TAMPON    DU    CAPISTON  25 

MÉLANIE 

Mon  pauvre  Cochu,  va  1  tu  seras  donc  tout  le  temps 
de  corvée  ?... 

Cochu,  passe  au  numéro  1 

Que  veux-tu  ?...  Ma  tête  attire  la  corvée  comme  ceHe 
eu  loup  les  araignées... 

MÉLANIE,    descend    à    la    table    de    droite 
Eh  bien  I  mets-toi  vite  au  travail... 

CoGHU,  se  couchant  sur  le  canapé 
Je  m*y  mets. 

MÉLANIE 

Comment,  tu  t'asseois  ?...     Et  ton  ouvrage  ? 

Cochu 
Elle  est  terminée,  comme  je  ne  pourrai  jamais  en 
voir  la  fin,  je  commence  par  finir. 

MÉLANIE 

Quel  toupet  ?...  Je  ne  te  reconnais  plus. 

Cochu,  se  levant 

Écoute,  Mélanie,  je  vas  m'épancher  dans  tes  seins  ; 

tant  plus  que  je  me  donne  du  coton  pour  contenter  le 

capitaine  et  la  Hortense,  tant  plus  qu'on  m'engueule  I 

MÉLANIE,      venant   à    Cochu 

Ah  ça  1  ils  ne  prennent  pas  de  gants  pour  te  parler... 

GOCHU 

Surtout  la  vieille  pucelle...  (Imitant  Hortense.) 
I  Cochu,  abruti,  idiot  I  crétin  !  sauvage  I  âne  !  buse  !..« 
Je  vous  donne  deux  jours.  » 

MÉLANIE 

C'est  même  tout  ce  qu'elle  sait  donner,  elle  est  telle- 
ment râleuse  I 


54  LE    TAMPON    DU    CAPISTOÎI 

COCHU 

Elle  écorcherait  un  pou  pour  en  vendre  la  peau  I... 
Dans  ces  conditions,  j'ai  décidé  de  ménager  ma  consti- 
tution délicate...  (Il  va  pour  se  recoucher  sur  le  canapé  et 
tombe  en  arrêt  devant  les  gâteaux.)  Eh  I  dis  donc,  des 
gâteaux  I 

Mélanie 

Ce  sont  des  choux  à  la  crème... 

CoCHU,  eîi   prenant  un 

Ah  !  je  rentre  dans  le  chou.  (Il  le  mange.) 

Mélanie,  remontant  un  peu  et  regardant  de  chaque  côté 

Prends  garde...  Si  on  te  surprenait  1 

CocHU,    la   bouche  pleine,   s^a^sied  sur   le   canapé  apc^ 

Mélanie 

Je  fais  disparaître  le  corps  du  délit...  Ecoute  Mélanie; 
il  vient  de  me  pousser  une  idée,  comme  Ugénie... 

Mélanie 
Quelle  Eugénie  ?... 

GOCHU 

Je  ne  sais  pas...  Pour  les  bonnes  idées,  on  dit  les  idées, 
d'Ugénie...  Tu  sais  que  dans  quatre  mois,  je  suis  libé- 
rable et  que  je  veux  retourner  dans  mon  patelin  pour  y 
vendre  des  cochons  comme  mon  père  et  mes  onze  frère» 
jumeaux  ? 

Mélanie 

Je  sais  bien...  eh  bien  ? 

CocHu 

Eh  bien  1  j'ai  l'idée  de  demander  un  congé  définitif  et 
de  me  tirer  des  pattes  comme  qui  dirait  la  semaine  pro- 
chaine... 


LB    TAMPON    DU    CAPISTON  2& 

MÉLANIE 

Mais  ce  congé  ?...  Ce  n'est  pas  le  capitaine  qui  te  le 

donnera  ? 

COCHU 

Non,  c'est  le  commandant... 

MÉLANIE 

Le  commandant  ? 

CocHU 

Il  va  venir  tout  à  l'heure...  Je  vais  m'arranger  pour 
mériter  ses  félicitations  par  mon  service  distinguc-z-et 
empressé,  et  je  profiterai  de  l'occase  pour  lui  introduc- 
tionner  ma  demande. 

MÉLANIE 

Ce  n'est  déjà  pas  si  bête  1 

CoCHU 

Bien  entendu,  je  t'emmène  et  je  t'épouse  en  arrivant... 

MÉLANIE 

Mais  tu  m'a  dit  que  ton  père  ne  te  laisserait  pas  pren- 
dre une  femme  qui  n'aurait  pas  au  moins  deux  mille 
francs  de  dot... 

CocHU 
Et  après  ? 

MÉLANIE,  se  lève 

Après  ?...  Mais,  je  n'ai  pas  seulement  deux  mille 

80US  I 

CoGHU,  prenant  un  deuxième  gâteau 

T'inquiète  pas...  Je  te  les  gagnerai,  les  deux  mille 
balles  de  ta  dot... 

MÉLANIS 

Ciomment  ça  ? 


26  LE    TAMPON    DU    CAPISTOIf 

COCHU 

J'en  sais  rien,  mais  je  les  gagnerai...  Je  ne  suis  pas  «i 
bête  cpie  j'en  ai  l'iir... 

Mélanie,  souriant 

Non...  un  peu  moins  tout  de  même  I 

CoCHU 

Enfin  I  Tu  m'aimes  comme  ça  ? 

MÉLANIE 

Oui,  Isidore...  et  sais-tu  pourquoi  je  t'aime  ?... 

CoCHU 

Parce  que  tu  me  trouves  beau  ? 

Mélanie 

Non...  Parce  que  je  suis  jaloase...  Et  toi,  je  suis  bien 
sûre  que  les  autres  femmes  n'essaieront  pas  de  te  pren- 
dre à  moi... 

CoCHU 

Qui  sait  ? 

Mélanie 

Pourquoi  voudrait-on  de  toi  ?  Tu  es  laid...  tu  n'ef 
pas  intelligent...  tu  n'as  pas  le  sou... 

CoCHU 

J'ai  du  charme...  (Prenant  Mélanie  dans  ses  bras.) 
Ah  I  ma  Mélanie  I 

Mélanie,  se  défendant  mollement 
Voyons,  Isidore  ? 

GOCHU 

Y  aurait-il  pas  moyen,  ce  soir,  comme  avant-hier,  de 
8'entratner  un  brin  pour  notre  nuit  de  noces  ?... 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  27 

Voix  d'Hortense,  en  coulisse 
Oochu  I 

MÉLANIE 

Attention,  on  t'appelle... 

GoGHU,    tenant    toujours    Mêlante    dans    ses    bras 
Mademoiselle  ?... 

Voix  d'Hortense 
Demandez  donc  à  Mélanie  si  elle  a  pris  du  lait  pour  la 
thé  ?... 

CocHU,  caressant  la  poitrine  de  Mélanie 

Du  lait  ?...  Oui,  mademoiselle...  Elle  en  a  deux  boîtes., 
je  les  tiens  dans  ma  main. 

MÉLANIE,  se  dégageant  et  allant  à  table 

Allons  1  ça  suffit...  Il  s'agit  de  travailler  pour  mériter 
le  congé  du  commandant. 

CoCHU 

C'est  vrai  !...  Préparons  la  tai>le. 

Mélanie,   plaçant  la  table  au  milieu 
Alors,  vite,  aide-moi... 
CoCHU  dépliant  la  nappe  et  en  donnant  un  bout  à  Mélanie 
A  la  une,  à  la  deux,  à  la  trois...  (Il  étale  la  nappe.) 
Ça  y  est. 

Mélanie 

Il  n'y  a  plus  que  les  tasses  qui  manquent,  je  vais  les 
mettre.  (Elle  se  dirige  au  fond.) 

GOCHU 

C'est  ça,  moi,  je  remporte  mes  outils...  (Il  prend  sa 
^éte  de  loup.)  Tu  viens  ?...   (En  se  retournant  aveo  le 


28  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

tête  de  loup,  qu^il  porte  maladroitement,   il  renverse  la 
jardinière.) 

MÊLANTE,  redescendant 

Oh  I  maladroit,  qu'est-ce  que  tu  viens  de  faire    ? 

GOCHU 

Quoi  ? 

MÉLANIB 

Tu  as  cassé  la  jardinière  et  l'hortensia  de  M"«  Hor- 
tense. 

CocHU,   consterné 

J'ai  détérioré  sa  fleur  1...  Eh  bien  !  elle  va  en  faire 
un  foin. 

MÉLANIE,  ramassant  les  débris  et  les  mettant  dans  son 

tablier 

Mais  ne  reste  donc  pas  là  comme  un  empoté,  voyons, 
aide-moi  à  ramasser  vite  les  morceaux...  Je  vais  les 
cacher  à  la  cuisine. 

Voix  d'Hortense 

Mélanie,   mes  chichis  ?...   Où  sont  mes  chichis  ?... 

MÉLANIE 

Allons  bon.  Mademoiselle  m'appelle  !  (Donnant  les 
débris  à  Cochu.)  Tiens,  prends  tout...  Voilà,  Mademoi- 
selle, je  viens...  (Elle  entre  à  gauche.) 

CocHU,  se  dirigeant  au  fond 
T'occupes  pas  du  pot,  je  vas  jeter  ça  aux  ordure». 

Voix  d'Yvonne,  au  fond 
Mélanie. 

Cochu,  se  dirigeant  vers  la  fenêtre 

Maladie  1  La  petite  est  dans  l'office  1 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  29 

Voix   du   capitaine,   très  près 
Cochu  !  Cochu  ! 

COCHU 

Zut  !  Le  capitaine  ! 

Voix  du  capitainb 

Eh  bien,  Cochu  ? 

Cochu 

Ah  !  tant  pis  !  (Il  monte  sur  le  tabouret  du  piano  et 
jette  la  plante  et  les  débris  de  la  jardinière  dans  le  piano 
dont  le  couvercle  est  levé  et  le  referme.  Parait  le  capitaine 
par  la  droite.)  Voilà,  mon  capitaine,  voilà.  (Il  essuyé 
le  piano  avec  sa  manche.) 

LE  capitaine,  en  grande  tenue 
Eh  bien  !  qu'est-ce  que  tu  fiches,  ici  ? 
Cochu,  essuyant  de  plus  belle  le  piano  avec  sa  manche 

Je  finissais  le  nettoyage  à  fond  du  salon,  mon  capi- 
taine. 

Le  capitaine 

t  Parfait,  parfait...  Tiens,  attache-moi  donc  la  patte 
de  mon  pantalon...  (Cochu  lui  attache  la  patte  de  son  pan- 
lalon  et  place  la  tête  de  loup  dans  la  main  du  capitaine,) 
Ah  !  à  la  bonne  heure,  on  respire  ici...  On  sent  quo 
c'est  propre. 

(Le  cupitaine  s^ apercevant  qu*il  a  la  tête  de  loup  dan$ 
la  main,  la  jette  à  terre.) 

CocHU,  modestement  et  ramassant  la  tête  de  loup 
J'ai  mouillé  le  parquet  de  ma  sueur,  mon  capitaine. 


Su  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

SCÈNE    VIII 

COCHU,     LE     CAPITAINE,     HORTENSB 
puis  YVONNE 

HoBTBNSE,  en  toilette  tapageuse  et  trop  jeune  pour  elle, 
rentre  de  gauche,  en  invectivant  Mêlante  qui  baisse  la 
la  tête. 

C'est  insensé,  ma  parole  !  Cette  fille  veut  nous  ruiner  j 

Le    capitaine 
Qu'y  a-t-il  ? 

HORTENSE 

Je  lui  donne  trois  francs  pour  payer  les  gâteaux,  elle 
en  prend  pour  huit  francs  vingt... 

MÉLANIE 

Mademoiselle,  le  capitaine  avait  dit  d'acheter  toute  la 
boutique... 

HORTENSE 

Taisez-vous...  (Regardant  les  gâteaux.)  Et  reportez 
moi  tout  de  suite  les  choux  à  la  crème  chez  le  pâtissier.. 

MÉLANIE 

Bien,  Mademoiselle... 

(Elle  sort  en  emportant  les  choux.) 

CocHU,  à  part 
Il  y  en  a  deux  qu'elle  ne  reportera  pas  I 

HORTENSE 

Quant  à  vous,  Cochu,  allez,  vous  beurrerez  les  croia- 
mnls... 

CoCHU 

Je  les  beurrerirai,  Mademoiselle... 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  31 

HORTENSE 

Et  comme  Mélanie  n'est  pas  là,  vous  mettre  la  flûte 
au  four. 

CocHU,  ahuri 
S'il  vous  plaît  ? 

HoRTENSE,  criant 

Vous  mettrez  la  flûte  au  four  1  Est-ce  que  je  parle 
français  ? 

GOCHU 

Oui...  oui...  la  flûte... 

Le  capitaine 

mjlHiipjirff"  Non  !  Crois- tu  quelle  tourte.  (Il  parle  bas  avec  Hor- 
Unse  jusqu^à  la  sortie  de  Cochu.  Pendant  ce  temps,  Cochu 
se  dirige  vers  le  pupitre,  y  prend  la  flûte  du  capitaine,  et 
la  contemple  longuement  face  au  public.) 

Cochu 

Mettre  ça  au  four  !  Enfin  I  La  Hortense  est  com- 
plètement piquée. 

(Il  sort  au  fond  en  emportant  la  flûte.) 

Hortense,     au    capitaine,     comme     finissant     une 
conversation 

Pourvu  que  cette  réception  soit  réussie  I...  Quand  je 
pense  que  mon  avenir  en  dépend  ! 

Le  capitaine 
Et  le  mien  donc  I 

Yvonne,  entrant  de  gauche 

Mon  père,  ma  tante...  Je  viens  de  voir  le  comman- 
dant qui  tournait  le  coin  de  notre  rue...  {Elle  va  à  la 
fenêtre.) 


3Î  LE    TAMPON    DU    CAPISTOIf 

HoRTENSE,    affolée 

Mon  Dieu,  déjà  I  Et  Mélanie  qui  n'est  pas  là  I  Et  les 
gâteaux  qui  ne  sont  pas  sur  les  assiettes,  et  les  tasses  qui 
no  sont  pas  sur  la  table. 

Le  capitaine 

Allons  !  Allons  !  du  calme...  Te  voilà  toute  rouge  I 
Ça  ne  te  va  pas  I 

HoRTENSE,  éplorée 

Je  ne  vais  pas  plaire  au  commandant  ! 

Le    CAPITAINE 

Si,  si...  Tu  lui  plairas...  Assieds-toi  là  et  ne  bouge 
plus...  (Appelant.)  Cochu  !  Cochu  ! 

(Hortense  s^est  assise  sur  le  canapé  et  s^évente.) 

Cochu,  paraissant  au  fond 
Présent,  mon  capitaine... 

Le  capitaine 
Cochu,  c'est  vous  qui  allez  ouvrir  au  commandant... 
N'allez  pas  faire  de  gaffe  1 

Cochu 
Oh  I  non,  mon  capitaine. 

Yvonne,  qui  regarde  à  la  fenêtre 
Papa,  le  commandant  est  à  la  grille... 
Hortense,  la  main  sur  son  cœur 

C'est  lui... 

Cochu 

C'est  lui...  (Il  tombe  assis  sur  le  canapé  près  d^Hor- 
lense.) 

Le  capitaine 

Eh  bien  1  Cochu  ?... 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  M 

CocHU,  se  levant  très  vite 
Mon  capitaine,  je  suis  ému... 
fCoup  de  sonnette.) 

Le  capitaine,  à  Cocku 
Eh  bien,  va  ouvrir... 

Yvonne 
Le  voilà,  papa... 

GocHU,  affolé 

Le  voilà,  papa  I...  Euh...  mon  capitaine...   (Fausse 
sortie.  Revenant.)  Que  faut-il  z'y  dire  ?... 

Le  capitaine 

^    Que  ces  dames  l'attendent  ici...  Mais  cours  donc  I 

CoCHU 

Je   cours...    (Fausse  sortie.   Revenant.)   Faut-il  ôter 
mon  tablier  ? 

HORTENSE 

Mais  évidemment  !  Quel  abruti  I 
(Nouveau  coup  de  sonnette.) 

Le  capitaine 
Et  au  trot  ! 

Cocmj,    dénouant   son    tablier   précipitamment 
Et  au  trot...  et  je  dirai  au  commandant  :  «  Toutes  ces 
dames  sont  au  salon  »...  J'ai  compris. 

f//  lance  à  la  volée  son  tablier  qui  retombe  sur  la 
figure  d'Hortense,  et  sort  par  le  fond  en  courant.) 

HoRTENBE,  suffoquée,  se  lève,  se  débarrassant  du  tablier 
qu^elle  jette  sous  le  canapé 
Oh  1  l'idiot  !  la  brute  ! 

Le  capitaine 
.:^À\  est  impossible,  ce  garçon  I 


i4  LE    TAMPON     DU     CAPISTON 

HORTENSE 

Il  m'a  dérangé  tous  mes  chichis...  Oh  I  il  me  le  paiera  f 

Yvonne,  apercevant  le  commandant  qui  parait  du  iond, 
suivi  de  Cochu 

Chut  I  le  commandant... 

Cochu,  entrant  en  tablier  blanc,  rectifiant  la  position  et 
hurlant 

A  vos  rangs  I  Fixe  ! 

SCÈNE  IX 

HORTENSE,  LE  COMMANDANT,  COCHU, 
LE  CAPITAINE,  YVONNE 

Le  commandant,  souriant,  sur  la  porte,  à  Cochu  prM 
de    la    porte    et    du    piano 

Repos,  mon  garçon  !  Repos  ! 

(Il  donne  à  Cochu  son  sabre  et  son  képi.) 

Cochu,  criant 
Vive  le  commandant  I 

Le   capitaine,  furieux 
Taisez-vous,  imbécile  ! 

Le  commandant 
Lai.ssez,   capitaine,   laissez...    (Allant  au  capitaine,) 
Je   su»s   touché   de   cette   démonstration    spontanée... 
Le   capitaine,  présentant 
Mon  commandant,  vous  connaissez  déjà  ma  sœur 
Hortense  et  ma  fille  Yvonne... 

CocHU,  présentant  aussi 
La  v'ià  I...  la  v'ià  I... 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  85 

Le  commandant,  s^ inclinant 
Mesdemoiselles... 

CoCHU,  se  présentant 
Et    moi,  Cochu  l'ordonnance. 

Le  commandant,  au  capitaine. 
Mon  cher  capitaine,  vous  êtes  un  jardinier  émérite... 
vous  cultivez  dans  la  même  serre  la  fleur  en  bouton... 
(Il  montre  Yvonne.)  Et  la  fleur  épanouie.  (Il  baise  la 
main  d'Hortense.) 

HoRTENSE,  minaudant  derrière  le  canapé 
Oh  !  commandant  !...  C'est  délicieux  I 

CocHU,  avec  éclat 
Un  ban  !...  Une,  deux,  trois  !  Ça  lui  fait  plaisir  I 
(Le  commandant  descend  à  l'extrémité  gauche  et  s'as- 
sied sur  le  canapé.) 

Le  capitaine,  furieux 
Mais  voulez-vous  vous  taire,  vous  ! 
(Cochu  enlève  vivement  le  képi  qu'il  place  sur  le  piano 
et  le  sabre  près  de  la  porte.) 

Hortense,  à  Cochu 
Dites  à  Mélanie  d'apporter  le  thé... 

Cochu,  descendant 
Mélanie  est  chez  le  gâteHer,  Mademoiselle... 

Hortense 
Je  ne  vous  demande  rien... 

Cochu,  criant  très  fort 
Elle  est  allée  reporter  les  gâteaux  que  vous  avez 
trouvé  trop  chers... 

(Le  commandant  se  met  à  rire.) 

Hortense,  suffoquée,  revenant  derrière  le  canapé 
Oh! 


36  LE    TAMPON    DU    CATISTON 

Le   capitaine,  exaspéré 
\'ouloz-vou8  me  fiche  le  camp  I 

"*  COCHU 

Oui,  mon  capitaine  1  Elle  l'a  dit  I  Elle  l'a  dit  ! 

Le  capitaine 
Et  au  trot  I 

.CocHU,  avant  de  sortir 
Vive  le  commandant  !  Ça  lui  fait  plaisir  I... 
(Il  sort  au  fond.) 

Hortense 
Mon  commandant,  n'allez  pas  croire  1 
Le  commandant,     saluant 

Laissez  donc,  Mademoiselle,  vous  avez  là  un  ordon- 
nance original  ! 

Le  capitaine 

Ah  I  mon  commandant...  Ne  m'en  parlez  i;as  | 

Hortense 
Il  fait  notre  désespoir... 

Le  capitaine 
A  la  chambrée,  ses  camarades  l'appellent  la  bette- 
rave. C'est  \ous  dire... 

Hortense 
Nous  l'avons  pris  pour  faire  le  gros  ouvrage,  mais  il 
est  d'une  stupidité  décourageante... 

Le   commandant 

Je  suis  sûr  qu'il  se  formera,  avec  une  maîtresse  de 
maison  telle  que  vous... 

Hortense 
Oh  1  Commandant  I 


le  tampon  du  capiston  37 

Le  capitaine 
Oh  I  pour  ça,  ma  sœur  est  une  maîtresse  épatante  I 

Le  commandant,  surpris 
Hein  ? 

Le  capitaine 
De  maison,  mon  commandant,  de  maison... 

CoCHU,  rentrant.  Il  porte  sur  un  plateau  la  théière  et  des 
tasses.  Criant 

A  vos  rangs,  fixe  I  Le  thé...  Fixe  !  (Se  reculant,  la 
théière  à  la  main.)  Un,  deux.  Un,  deux  I 

(Il  change  constamment  la  théière  de  main,  celle-ci 
étant  trop  chaude.  Tous  se  lèvent  et  se  mettent  à  table. 
Criant  :)  Vive  le  commandant  ! 

Le     commandant,    sursautant    et    se    levant 
Sacrebleu...  Il  m'a  fait  peur... 

Le  capitaine,  à  Cochu 
:    Qu'est-ce   qui  vous  prend...  Vous  devenez  fou  ?... 
(Yvonne  donne  une  tasse  au  capitaine  et  en  porte  à 
Hortense  une  autre  qu'elle  pose  sur  la  petite  table.) 

Cochu 
Mon  capitaine...  C'est  pour  faire  honneur  au  com- 
mandant... 

Le    commandant,    riant    et    s^asseyant    à    table 
Merci,  mon  garçon,  mais  pour  me  faire  honneur  il  est 
inutile  de  me  casser  les  oreilles... 
(Yvonne  est  à  la  petite  table.) 

CocHU,  ému 
Oui,  mon  commandant...  Merci,  mon  commandant... 

Hortense 
Servez  le  thé,  triple  buse  !...  (Cochu  ne  bouge  plus.) 
Yvonne,  veux-tu  sucrer  le  commandant  ?... 


86  le  tampon  du  capiston 

Yvonne 
Combien  de  morreaux,  commandant  ? 

Le  commandant 

D'ordinaire  je  n'en  prends  pas,  mais  de  votre  main, 
six  morceaux. 

(Yvonne  sucre  le  commandant^  puis  va  en  faire  autant 
à  HoHense.) 

HORTENSE 

Oii  1  Commandant  ! 

Le   COMMANDANT,  à  Hortensc 
Si  vous  m'eussiez  sucré,  j'en  eusse  réclamé  douze  ! 

HORTENSE 

Oh  !  Commandant...  quelle  galanterie  1 

CocHU,  à  Hortense 
Gui,  il  en  eusse  réclamé... 

Le  CAPITAINE,  à  Cochu,  qui  s^appréte  à  verser  le  thé 

Mads  versez  donc  ! 

(Cochu,  ému,  inonde  de  thé  le  cou  du  commandant.) 

Le  commandant,  criant  et  se  levant 
Aie  I...  Il  m'a  échaudé  ! 

Hortense,   Yvonne   et  le   capitaine,  se    précipitant 
w  Oh  !  Commandant  ! 

Hortense,  à  Cochu 
Maladroit  1 

Le  capitaîne 
Imbécile  I 

Cochu,  confondu 

C'est  pas  exprès  ! 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  39 

Le  commandant,  s^épongeant  le  cou  avec  son  mouchoir 
Je  le  pense  bien,  mon  garçon...  Mais  une  autre  fois 

rappelez-vous  ceci  :  Je  ne  prends  pas  de  thé  pour  l'usage 

-externe. 

(Il  se  rassied.) 

Le   capitaine,   riant  et  se  rasseyant 
Oh  !  Charmant  1 

Yvonne  remonte  s^ asseoir 
Très  drôle  ! 

HoRTENSE,  se  rasseyant 
Déhcieux  I 

Ce  CHU,  s^eselaffant 

Crevant  !  Marrant  I 
///  se  tord.) 

Le  capitaine,  sévère 

Assez  1  Crétin  î 

HORTENSE,    à    Cochu 

Allez  chercher  la   surprise   pour  le  commandant... 

Cochu 
La  surprise  ? 

HORTENSE 

Oui...  Ce  que  je  vous  ai  dit  de  mettre  au  lour, 

Cochu 
Ah  1  bon  !...  (A  part.)  C'est  une  blague  qu'elle  veut 
faire  au  commandant...  (Il  sort  au  fond,) 
Le  commandant 
Une  surprise  ?...  Vous  m'intriguez  i 

HORTENSE 

Ah!  voilà,  commandant...  Je  suis  déjà  ao  courant  de 
toutes  vos  petites  gourmandises... 


40  le  tampon   du  capiston 

Le  commandant 

Une  chatterie  ?  Je  suis  sur  que  vous  m'avez  réservé 
une  chatterie  1 

CocHU,  rentrant,  portant  sur  une  assiette  la  flûle  de  métal 
carbonisée.  A  part 

Si  le  commandant  veut  en  jouer,  ce  qu'il  va  se  brûi-  r 
la  gueule. 

HORTENSE 

Posez  ça  devant  le  commanduîit. 

CoCHU 

Voilà... 

Le   COMMANDANT,  prenait  la   flûte  et  se  brûlant 

Aïe...  Mais  c'est  brûlant.  (Il  se  lève  et  frappe  du  pied.) 
(Tous  se  lèvent.) 

lîoRTENSE,  regardant  la  fùte 

Qu'est-ce  que  c'est  que  ça  ? 

Le  capitaine,  même  jeu 

Ma  flûte  !...  Mais  c'est  ma  flûte  I 

CocHU 

Mademoiselle  m'a  dit  de  la  mettre  au  four... 

Le   commandant,  furieux,  soufflant  sur  ses  doigts 

C'est  une  plaisanterie  ridicule,  je  me  suis  brûlé  h^s 
doigts... 

HORTENSE 

Oh  !   Commandant...   Je  suis  désolée...    {A   Cochu.) 
vlnis  vous  êtes  donc  plus  bête  que  vos  pieds  ? 

CocHU 
Mademoiselle  m'avait  dit... 


«B^SB«^ 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  41 

HORTENSE 

De  mettre  au  four  la  flûte  de  gruau...  âne  bâté...  et 
non  pas  l'instrument  de  mon  frère  1 

^jSllc  ça  derrière  le  canapé  en  passant    par-devant.) 
Le  commandant 

Il  est  énorme,  ce  garçon-là  1  II  est  énorme  1 

GOCHU 

Oui,  énorme. 

Le  capitaine,  à  Cochu 

Desservez,  Jocrisse  I...  Vous  serez  consigné  quatre 
jours  I 

Le  commandant 

Non,  capitaine...  Je  ne  veux  pas  qu'on  le  punisse  à 
cause  de  moi...  Il  est  plus  bête  que  méchant  I  (Il 
remonte  et  va  près  d'Hortense,  le  capitaine  le  suit  jusqu'au 
milieu  de  la  scène.) 

CoCHU 

Oui,  mon  commandant...  (A  part,  se  replaçant,  la 
table  à  droite.)  Je  lui  plais  ! 

HORTENSE 

Je  suis  navrée,  commandant...  La  sottise  de  cet 
animal  va  faire  manquer  un  petit  intermède  musical 
que  nous  avions  préparé. 

Le  commandant,  devant  le  canapé 

Comment  cela  ? 

Le  CAPITAINE,    Yvonne  au  fond 

Oui,  ma  sœur  possède  un  joli  soprano...  Ma  fille 
l'accompagne  au  piano,  et  moi  sur  la  flûte... 


42  LE    TAMPON    DU     CATISTON 

I.E     COMMANDANT 

Eh  bien  1  la  flûte  est  frite,  mais  le  piano  va  sano. .. 
•'ccouterai  ces  demoiselles  avec  le  plus  grand  plaisir-.. 
(Il  s'' assied  sur  le  canapé.) 

HoRTENSE,  derrière  le  canapé 

Soit,  commandant...  Mais  vous  serez  indulgent..*' 
.le  suis  bien  émue...  (Allant  à  Yvonne.)  Allons  Yvonne  I 
Attaque  le  prélude...  (Hortensc  reprend  son  morceau 
ri  se  place  près  de  la  table  volante,  comme  au  début, 
prête  à  chanter.  Yvonne  s'assied  au  piano.  Le  capitaine 
debout  près  d'Yvonne.  Le  commandant  (1),  Hortense  (2), 
Yvonne  (3),  le  capitaine  (4),  Cochu  (5).) 

CoCHU,  à  part 

Maladie  I...  La  jardinière  qui  est  dans  le  piano... 
(Il  essaie  de  s* esquiver.) 

Le   capitaine,  Varrêtant 
Eh  bien  !  Cochu...  Vous  n'avez  pas  fini  de  desservir 

CocHU,   à  part,   redescendant   prendre  le  plateau 
C'est  pas  la  flûte...  c'est  moi  qui  suis  frit... 

Le   commandant,  à    Yvonne 
Je  vous  écoute. 

"Yvonne,    essayant    de   jouer.    Bruit   de   vaisselle   cassée 
dans  le  piano 

Oh  !  papa...  Qu'est-il  est  arrivé  au  piano  ? 

Le  commandant 

Vous  devriez  le  (aire  accorder... 

Le  capitaine 

C'est  fantastique  1 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  43 

HORTENSE 

Tout  à  l'heure  encore,  H  allait  très  bien  1 

Le  commandant,  se  levant  et  allant  au  piano 

Nous  allons  voir  ce  qu'il  a  dans  le  ventre...  (Regar- 
dant le  piano.)  Sacrebleu  !  mais  toutes  les  cordes  sont 
cassées...  (Tirant  Vhortensia.)  Une  plante  qui  pousse 
dedans  I  Ce  n'est  pas  un  piano,  c'est  une  serre  I 
(Il  revient  à  gauche,  le  capitaine  à  droite.) 

CocHU,  tremblant,  à  Hortense 
C'est  pas  vrai,  Mademoiselle,  c'est  pas  vrai... 

Hortense,  terrible,  allant  à  Cochu 
Qu'est-ce  qui  n'est  pas  vrai  ? 

CocHU,  balbutiant 
L'«  hortenchia  »  dans  le  piano...  C'est  pas  moi  ! 

Hortense 
Alors   que   personne   ne   vous   accusait,   vous   vous 
dénoncez  vous-même... 

Le  capitaine 
C'est  un  sabotage  inqualifiable  1... 

Le   commandant,  sèchement 
En  vérité,  mon  capitaine,  je  m'étonne  que  vous  ayez 
pris  à  votre  service  un  idiot  de  cette  envergure  I 
Le  capitaine 
Cochu,  vous  entendez  ce  que  dit  le  commandant  ? 

Cochu 
Oui,  mon  capitaine... 

Le  commandant,  à  Hortense 
Mesdemoiselles,  je  vais  vous  demander  la  permission 
de  me  retirer... 


44  le  tampon  dj  capiston 

Le  capitaine 
Oh  I  déjà  commandant  V 

HORTENSE 

Sans  même  prendre  un  doigt  de  mnlaga  ? 

Le  commandant 

Non,  merci...  (Montrant  Cochu. JU'idïoi  serait  capable 
l'avoir  mis  dans  la  bouteille  de  l'esprit-de-vin  ou  du 
fitriol... 

Hobtense 

Oh  1  Commandant...  Quelle  humiliation  pour  nous  1 

GocHU,  éploré 
Mon  com...  Mon  com-com... 

Le  commandant 
Faites-vous  soigner,  mon  garçon  1  (Il  sort,  reconduit 
par  Ilortense,  le  capitaine  et  Yvonne.) 

CocHi',  pleurant 

J'ai  fait  dans  les  bottes  du  commandant  !  Mon  congé 
jst  dans  1'  sieau. 

SCÈNE  X 

LES    MÊMES,    moins    LE    COMMANDANT 

Hortense,   revenant,  suivie  du  capitaine 
Hector,  tout  est  perdu... 

Le  capitaine 
J'en  ai  peur... 

IIor.TENSE 

Le  commandant  n'a  pas  demandé  ma  main...  Et 
^ourquo'  ne  l'a-t-il  pas  demandée  ? 


le  tampon  du  capiston  45 

Le  capitaine 
Parce  qu'il  a  été  énervé  par  ces  incidents  stiipides... 

HORTENSE 

Et  dire  que  si  je  reste  fille  ce  sera  par  la  faute  de  ce 
misérable  1...  (Elle  montre  Cocku  qui  essaie  de  s* esquiver 
sans  bruit.) 

Le  capitaine,  terrible 

Ccchu  1  Avance  à  Tordre  ! 

CoCHU,  refrénant,  à  part 
Je  vas  m'  faire  fusiller  I  (Devant  le  capitaine  et  recti 
fiant  la  position.)  Mon  capitaine. 

Le  capitaine 
Lm  mots  me  manquent  pour  qualifier  ta  conduite. 

GOCHU 

Oui,  mon  capitaine... 

Hortense,  lui  parlant  sous  le  nez 

Je  voudrais  que  nous  fussions  encore  au  temps  de 
l'esclavage  pour  vous  tenir  à  ma  merci. 

CocHU,  éperdu 
Merci,  Mademoiselle... 

Hortense 

Et  pouvoir  de  ma  main  vous  fouetter  jusqu'au 
sang  I 

CocHu 

De  rien,  Mademoiselle...  ^ 

Le  capitaine 
Tu    vas  monter    prendre  tes  nippes,  là-haut ,  dans 
ta  chambre,  et  filer  tout  de  suite  au  quartier... 


46  LE    TAMPON    DU    CAPISTOW 

CocHU,  désolé 
Mon  capitaine  me  chasse  ? 

Le  capitaine 
Non...    (Cochu  respire.)   Je   te  fous  dehors...  et  ett 
attendant  je  te  fous  dedans...  Ce  soir  tu  coucheras  à  la 
boîte... 

CocHU,  répétant  machinalement 
En  attendant... 

Le  capitaine 

Ce  n'est  qu'un  commencement...  Je  me  charge  de  te 
recommander  à  ton  heutenant... 

Yvonne,  descendant 

Oh  I  papa...  Ce  pauvre  Cochu  ! 

Le  capitaine 

Toi,   laisse-moi   tranquille...    (Elle  remonte  au  fond^ 
A  Cochu.)  Demi-tour,  pocheté  ! 

CoCHU,  à  part,  en  sortant,  lugubre 

Y  a  du  pied  dans  la  chaussette  \(Sort  au  fond.) 

Le  capitaine,     à  Hortense 

Allons  I  Ne  te  fais  pas  débile...  tout  ça  s'arrangera... 

Hortense,  qui  pendant  cette  scène,  a  trépigné,  appuyée 
contre    la  table 

Je  sens  que  je  vais  avoir  mes  vapeurs...  Je  me  retire 
dans  ma  chambre...  (Elle  se  dirige  à  gauche.) 

Le  capitaine 
Oui,  oui...  Ça  vaut  mieux  que  de  les  avoir  icL 

Yvonne 
As-tu  besoin  do  moi,  ma  tante  ? 


LE    TAMPON    DU     CAPISTON  47 

HORTENSE 

Non,  non...  Reste  I  (En  sortant  à  gauche.)  Vierge  I 
Je  mourrai  vierge  ! 

Yvonne,  au  capitaine 

Pauvre  tante  1 

SCENE    XI 
YVONNE,   LE  CAPITAINE,   LORMOIS 

LoRMOis,  entrant  au  fond 

Mon  capitaine... 

Le  capitaine 

Ah  I  c'est  vous,  Lormois...  Qu'est-ce  qu'il  y  a  ? 

LORMOIS 

Mon  capitaine,  je  reviens  pour  la  demande,  que 
M"*  Yvonne  a  bien  voulu  m'autoriser...  (Il  ôte  son  képi 
pour  saluer  Yvonne.  Il  a  la  tête  complètement  rasée, 
Yvonne,  en  le  détaillant,  passe  1  et  vient  devant  le  canapé.) 

Le     capitaine,     le     regardant     stupcfait 

Qu'est-ce  que  c'est  que  cette  tête-là  ? 

LORMOIS 

Mon  capitaine,  vous  m'avez  dit  de  me  faire  couper 
les  cheveux... 

Le  capitaine 
g^Pas  tant  que  ça,  mon  ami,  pas  tant  que  ça... 

Lormois 

J'ai  cru  vous  satisfaire,  en  sacrifiant  coraplètemeat 
ma  chevelure. 


48  le  tampon   du  capistoif 

Le  capitaine 
Absurde,  mon  ami,  c'est  absurde...  Vous  êtes  affreux  I 
Hein  I  Yvonne...  Crois-tu  qu'il  est  laid  f 

Yvonne 
Mais  je  ne  trouve  pas,  moi... 

Le  capitaine 
Eh  bien,  tu  n'es  pas  difficile...  Je  n'aime  point  voir  un 
homme  de  mon  escadron  avec  une  tête  ridicule...  Vous 
me  ferez  doux  jours  de  plus,  mon  petit  Lormnis...  Vous 
m'êtes  sympathique...  je  regrette  infiniment...  Mais  ça 
vous  servira  de  leçon...  Attendez-moi  ici,  j'ai  un  pli  à 
vous  remettre...  (Il  sort  brusquement  à  droite.) 

SCÈNE    XII 

YVONNE,  LORMOIS 

Vraiment,    Mademoiselle    Yvonne,    votre    père    est 
désespérant. 

YvoNVE,  s' asseyant 
Je  le  reconnais... 

LORMOIS 

Est-ce  que  je  suis  si  laid  que  ça  ? 

Yvonne 
Mais  non...  pas  tant  que  ça...  Mais,  tout  de  môme, 
mettez  votre  képi. 

LoRMOis,  se  coiffant 
Jamais  je  n'arriverai  à  obtenir  votre  main... 

Yvonne 
Mais  si,  Hyacinthe,  mais  si...  Seulement  il  ne  faut 
pas  vous  décourager...  (Tendrement.)  Si  vous  m'aimez  | 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  49 

LoRMOis,  avec  feu.  Lui  prenant  les  mains 

Si  je  vous  aime...  Ah  I  tenez...  je  voudrais  passer  ma 
vie  à  vous  lo  répéter  comme  ceci,  à  vos  genoux  ! 
(Entre  du  fond  M^  Pouponet.) 

SCÈNE  XIII 

LES  MÊMES,  M«  POUPONET 

M*  Pouponet,  entrant  à  droite 

La  porte  était  ouverte...  (Apercevant  Lormois  aux 
oieds  d'Yvonne.)  Oh  I  pardon  ! 

YvoNNi: 

Ah  1  (Bas,  à  Lormois.)  Frottez  mes  bottines...  Frot- 
tez mes  bottines...  ( Lormois ^  troublé,  prend  un  coussin 
du  canapé  à  sa  portée  et  frotte  les  bottines  d' Yvonne.) 

M®  Pouponet 

Mademoiselle,  excusez-moi  de  vous  déranger... 

Yvonne 

Mais  vous  ne  me  dérangez  pas  du  tout,  M^  Pouponet, 
vous  ne  me  dérangez  pas  du  tout...  La  posture  de  ce 
soldat  vous  étonne,  je  le  vois  bien...  Mais  ce  soldat  est 
une  ordonnance...  notre  ordonnance...  Et  je  lui  avais 
demandé  de  fair^  reluire  mes  bottines.  (Elle  se  lève  et  va 
au  notaire.) 

M®  Pouponet 

Mademoiselle,  je  Tavais  deviné  d'un  coup  d'œil... 
Ce  garçon  a  une  tête  d'une  vulgarité  significative... 

Lormois,  à  part,  frottaid  toujours 

Charmant. 


50  LE    TAMTON    DU    CAPISTON 

M«    POUPONET 

Figurez-vous,  Mademoiselle,  que  je  joue  do  malheur 
en  ce  moment,  je  suis  retourné  à  la  caserne  où  l'on 
m'a  appris  que  le  soldat  Lormois  était  revenu  ici... 
LoRMOis,   cessant   de  frotter  et  se  relevant 
Lormois,  c'est  moi... 

Me    PoL'PONET 

Ah  !  c'est  vous,  l'ordonnance?...  Eh  bien  I  mon  ami... 

Voix  du  capitaine 
Lormois  1  Lormois  I 

Yvonne,  se  levant 
Lormois,  papa  vous  appelle... 
Lormois 
Mais  puisque  Monsieur  le  notaire... 

Voix  du  capitai.ne 
Eh  bien  !  Lormois  ! 

Yvonne,  le  repoussant 
Allez  vite...    Il   ne   faut  pas  le   mécontenter  en  ce 
moment... 

Lormois,  à  Pouponet 
Je    reviens   dans   un   instant,    Monsieur...    (Entrant 
à  droite.)  Voilà,  mon  capitaine,  voilà... 

SCÈNE    XIV 

YVONNE,  Me  POUPONET,  pais  HORTENSE 

M®  Pouponet 
C'est  ennuyeux,  ça...  Je  suis  extrêmement  pressé... 
J'ai  à  terminer  d'ici  ce   soir  deux  contrats,  une  vente 
et  un  testament  in  extremis... 


LE    TAMPOI>    UU    CAi'ISTO^ 


51 


YVONKE 

Ne  pourrais-je  l'aire  la    commission  à  M.  Lor...  [Se 
reprenant.)  à  l'ordonnance. 

i'.i"    Poi'PONET 

Mon  Dieu...  à  la  rigueur... 

HoRTENSE,  entrant  de  gauche,  descendant 

Eh  bien  !  Yvonne,  tu  n'es  pas  encore  allée  changer 
d-e  robe  ? 

Yvonne 
Je  causais  avec  M®  Pouponet,  ma  tante... 

HORTENSE 

C'est  cela,  et  pour  le  plaisir  de  bavarder  tu  risques 
d'abîmer  une  toilette  neuve... 

Yvonne 
Mais  ma  tante... 

HoRTENSE,  passe  2,  pendant  qu*  Yvonne  se  dirige 

à  gauche 
Allons  i  Dépêche-toi  ! 

Yvonne,    en    sortant    au    fond,    à    part 
Pourvu  que  le  notaire  ne  me  dénonce  pas  1 

Hortense 
Bonjour,  M«  Pouponet...  Qu'est-ce  qui  vous  amène  ? 

M®  Pouponet 
Je  venais  annoncer  à  votre  ordonnance  une  nouvell*' 
importante. 

Hortense 
Une  nouvelle  à  ce  rustre  ?... 

Me  Pouponet 
Son  oncle,  M.  Costy  Duroonteux,  vient  de  décéder... 


52  LB    TAMPON    DU    CAPISTON 

HoRTENSE,  s^asseyant  au  canapé 

La  mw\  d'un  oncle...  Voil.\  qui  va  laisser  ce'Le  brute 
bien  iadiiïéreute  I 
M*  Poupon  ET,  posant  chapeau  et  serviette  sur  la  petite 
table  et  s^ appuyant  dessus 
Je  crois,  au  contraire,  que  cette  brute,  comme  vous 
dites,  sera  profondément  intéressée...  Jugez-en  I  Votre 
brute  d'ordonnance  vient  d'hériter  de  sa  brute  d'oncle 
de  trois  jolis  millions  bruts  ! 

HoRTENSE,  se  levant 
Trois  millions  î 

M^    POUPONET 

En  excellentes  valeurs...  Mais  je  vous  en  supplie, 
n'en  soufflez  pas  mot  à  l'intéressé...  Le  testateur  spécifie 
qu'il  doit  être  averti  seulement  en  présence  de  deux 
cohéritiers  qui  habitent  la  République  Argentine  ... 
Je  les  ai  avertis  par  dépêche,  mais  ils  ne  pourront  être 
ici  avant  trois  semaines  au  plus  tôt,.. 
HoRTENSE,  confondue 

Trois  millions  !  C'est  incroyable  ! 
M«  Poupon ET 

D'ici  là,  ce  jeune  homme  doit  tout  ignorer,  sauf  qu'il 
a  perdu  son  oncle,  et  c'est  ce  que  je  venais  lui  ap- 
pjendie...  (Regardant  sa  montre. )\  Sapristi  11  ne  revient 
pos  et  je  suis  horriblement  en  retard  I 

HORTENSE 

Si  VOUS  désirez  que  je  lui  annonce  la  nouvelle  de  votre 
part  ? 

M*    PoUPONET 

,Ie  vous  en  serai  reconnaissant...  Mademoiselle,  tous 
mes  hommages  !  (Il  sort  par  le  fond,) 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  53 

SCÈNE  XV 

HORTENSE,  puis  COGHU 

HoRTENSE,  seule,  ré  use,  passant  à  gauche 
Cochu  hérite  de  Iroi  millions...  Ah  !  ça,  rr.a's,  voilà 
un  parti  plus  intéressant  que  le  commandant  !  (Réflé- 
chissant.) Si  je  pouvais...  Voyons  :  Les  cohéritiers 
n'arriveront  que  dans  trois  semaines...  il  ne  saura  rien 
jusque-là...  Il  n'y  a  pas  de  temps  à  perdre...  (Apercevant 
Cochu  qui  entre  du  fond  en  tenue,  sans  tablier,  avec  un 
petit  paquet  d'effets  enveloppés  dans  un  mouchoir  d'or- 
donnance.) 

Cochu,  à  part 

V'ià  la  poison...  Qu'est-ce  que  je  vais  prendre  encore  ? 
(Haut.)  Oh  !  je  venais  chercher  ma  brosse  à  dents... 
avec  quoi  que  j'  f-ais  mes  godillots. 

HoRTENSE,  très  aimable 

Ah  I  c'est  vous,  Monsieur  Cochu  ?... 

Cochu,  à  part 
Monsieur  Cochu  ! 

HORTENSE 

Approchez,  mon  ami...  Vous  vous  disposiez  à  retour- 
ner au  quartier  ? 

Cochu 

Oui,  Mademoiselle...  Puisque  mon  capitaine  m'a  foutu 
dehors... 

HoRTENSE 

Et  moi,  Cochu,  je  vous  dis  :  «  Retournez  au  quartier» 
non  pas  parce  qu'on  vous  chasse...  Nous  serions  trop 
heureux  de  continuer  à  vous  posséder  chez  nous...  mais 


54  LE    TAMPON    DU    CAPISTOIf 

la  situation  d'ordonnance  n'est  pas  digne  d*un  garçon 
de  votre  mérite... 

CocHU,  ahuri 
Ah  ?...  (A  pan.)  Elle  attige  î 

SCÈNE  XVx 

LES    MÊMES,    LE    CAPITAINE,    puis    MÉLANIE 
et  YVONNE 

Le  capitaine,  rentrant  de  droite,  vient  à  Cochu 
Ah  I  c'est  toi  1  Triple  extrait  de  gourde  I 

HoRTENSE,  protestant 
Mon  frère  ! 

Le  capitaine,  apercevant  V hortensia  que  le  commandant 
a  laissé  par  terre,  après  la  scène  du  piano 

Qu'est-ce  que  c'est  que  ça  ?...  Avant  de  t'en  aller» 
veux- tu  me  prendre  un  balai  et  me  balayer  ça  au  trot  î 
(Il  le  bouscule.) 

CoCHU 

Oui,  mon  capitaine.  (Il  sort  par  le  fond  un  instant.) 

HoRTENSE 

Mon  frère,  il  ne  faut  pas  maltraiter  cet  homme... 

Le   capitaine,  stupéfait 
Comment,  c'est  toi  qui  me  dis  ? 

HORTENSE 

Tu  n'en  as  pas  le  droit,  et  je  ne  le  souffrirai  pas. 
Le  CAPITAINE,  qui  vient  par  V extrémité  gauche 
Ah  !  celle-là,  par  exemple  ! 


LE   TAMPON    DU    CAPISTON  55 

CocHU,    rentrant   du   fond   avec   le    balai 
Voilà,  mon  capitaine... 

Le  capitaine 
Allez...  et  nettoie-moi  ça  en  cinq  sec,  andouille  ! 

HoRTENSE,  s'' interposant 
Je  te  défends  de  parler  sur  ce  ton  à  M.  Cochu. 

Le    capitaine 
Ah  1  ça,  mais... 

Hortense 

Tu  as  beau  avoir  trois  galons...  un  cœur  d'homme. 
n'en  bat  pas  moins  sous  ses  basanes  de  simple  cavalier., 
un  cœur  sensible  à  l'outrage*. 

Le  capitaine 
C'est  trop  fort  I 

Cochu,  à  part 
Je  rêve  I 

Le  capitaine,  à  Coéhu 

,  Eh  bien,  tu  ne  m'as  pas  compris?  Veux-tu  balayer? 

Hortense,  arrachajit  le  balai  des  mains  de  Cochu 

Non,  mon  frère...  M.  Cochu  ne  balaiera  pas...  C'est 
moi  qui  balaierai...  (Ainsi  fait-elle.) 

Mélanie,  rentrant  du  //    '  et  venant  à  la  droite  de  Cochu 

Mademoiselle  qui  balaie  ! 

Yvonne,  rentrant  de  gauche  et  descendant 

Oh  I  ma  tante  1 

Le   capitaine,  venant  au  milieu,    levant  les  bras 
au  ciel 

Qu'est-ce  qui  lui  prend  ?...  Qu'est-ce  qu'elle  a  ? 
(Tous  regardent  étonnés^  Hortense^  qui  balaie  avec  force. 


56  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

Cochu,  du  doigt,  indique  à  cette  dernière  les  débris  de 
fleurs  et  de  mousses  de  la  jardinière  cassée  qu*il  faut 
les   balayer.) 

CocHU,   à   V oreille  du  capitaine,   après   un   temps, 
confidentiellement 

Pour  moi,  mon  capitaine...  elle  est  soûle  \ 


RIDEAU 


ACTE  il 


(Le  réfectoire  du  89®  régiment  de  chasseurs  à  cheval.) 

Au  fond,  un  peu  vers  la  gauche,  une  fenêtre  donnant 
sur  la  cour,  dont  on  aperçoit  un  des  murs  de  clôture. 
Au  fond,  à  gauche,  une  porte  donnant  sur  la  cuisine. 
A  droite,  une  autre  porte  donnant  sur  divers  locaux  de 
la  caserne,  dont  le  bureau  du  commandant.  De  grandes 
tables  et  des  bancs.  Aux  murs,  des  trophées  et  des  affiches, 
que  Von  a  coutume  de  voir  dans  les  réfectoires. 

SCÈNE  l 

BRIFFOTEAU,  MIGHONDARD,  chasseurs 

(Au  lever  du  rideau,  Briffoteau  et  Michondard  nettoient 
le  réfectoire.  Les  tables  ne  sont  pas  à  leur  place,  les  bancs 
sont  les  uns  sur  les  autres.  BriffoteoKi  balaie  mollement. 
Michondard  fume    une   pipe.    Sonnerie    de    trompette 
*  Au  fourrier  i^.) 

Michondard,  à  Briffoteau 

Non,  mais  sans  blague,  Briffoteau,  tu  ne  le  balaies 
pas  ce  plancher,  tu  le  chatouilles. 

Briffoteau 

Penses-tu  que  je  vas  me  fatiguer  pour  une  salle  à 
manger  qui  ne  m'appartient  pas  ? 


58  LE    TAMPON     DU    CAPISTON 

MiCIIONDARD 

Ça  n'a  rien  à  faire  1  On  t'a  désigné  pour  balayer,  t'as 
qu'à  balayer,  rien  qu'à  bala>€r    et  pas  autre  chose... 

Briffoieau 

J'en  fouterais  pas  un  coup  i  On  était  trois  de  corvée 
avec  la  Betterave...  C'est  vrai,  pourquoi  qu'il  n'est  pas 
là,  Cochu  ?  Je  marche  pas  pour  m'esquinter  à  la  place 
de  c'tfc  pochetée... 

MiCHONDARD 

Tu  as  raison,  il  a  été  assez  longtemps  le  tampon  du 
capiston,  il  peut  bien  être  le  nôtre... 

(Le  maréchal  des  logis  Pasiini  pousse  la  fenêtre  du 
dehors,  jette  un  coup  d'œil  à  Vintérieur  du  réfectoire  et  se 
dirige   vers  la  porte.) 

Briffoteau,  qui  a  aperçu  Pastini 
Acre  !  le  inargis  ! 

MiCHONDARD 

Bon  Dieu  1  C'est  Pastini  I 

Briffoteau 
Ce  sale  Corse  qui  est  nouveau  d'hier  au  peloton.. 

MiCHONDARD 

Un  joli  Chopin  I  II  m'a  déjà  puni  deux  fois  en  qua- 
rante-huit heures  !  Tâclie  moyen  de  ne  pas  faire  le 
zigoteau  devant   lui. 

(Briffoteau  se  remet  à  balayer.  Michondard  ramasse 
les  poussières  avec  un  balai  et  une  boite.  Du  fond,  entre 
Pastini,  type  de  margis  rengagé,  rosse.  Accent  corse, 
prononcé.) 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  **' 

SCÈNE   II 

LES  MÊMES,  PASTINI 

Pastini 
Eh  bien  I  brigadier,  ce  réfétoire,  il  n'est  pas  encore 
nettoyé,  depuis  le  temps  ?  C'est  un  vrai  cafarnaurum  i 

Briffoteau 
Mais,  margis  ! 

Pastini 

Je  croyais  avoir  désigné  trois  hommes  de  corvée, 
où  est  le  troisième,  le  dénommé  Cochu  ? 

Briffoteau 

Je  ne  sais  pas,  margis... 

Pastini 

Vous  devriez  savoir...  Je  suis  estrêmement  mécon- 
tent de  cette  escouade  !  Hein,  brigadier,  vous  entendez 
co  que  je  vous  parle. 

Briffoteau 
Mais  margis... 

Pastini 

Il  n'y  a  pas  de  «  mais  margis  »...  (Il  passe  1.  Briffo- 
teau gagne  Vextrémité  droite.)  Le  capitaine  vient  de  me 
flanquer  un  poil  :  il  paraîtrait  que  la  nuit  dernière  on  a 
encore  vu  une  particulière  s'introductionner  subrectice- 
ment  dedans  la  chambrée...  Je  vous  préviens  que  j'ai 
son  signalement  :  boulotte,  pas  jeune,  gueule  peinte, 
et  que  jamais  si  je  la  pince  dans  la  caserne  je  l'enverrais 
se  faire  fatiguer  ailleurs  I  C'est  compris  ?...  Oui  ?... 
(Briffoteau  murmure.  Pastini  court  sur  lui.)  Quoi  ?,„ 


60  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

Qu*esl-ce  que  vous  dites  ?  Ça  va  changer...  Je  vous  jure- 
ra va  changer...  (Allant  à  Micïiondard  qui  est  au  fond, 
à  droite.)  Ça  va  changer.  (Il  va  vers  la  fenêtre,  le  dos  au 
public.  Cochu,  qui  est  passé  du  côté  gauche,  n*a  pas  été 
PU  par  Pastini,  et  entre  du  fond.) 

SCÈNK   m 

LES     MÊMES,     GOCHU,     puis     LORMOIS 

Ce  CHU,  venant  à  Briffoteau 
Zut  I  Je  suis  en  retard  pour  la  corvée... 

Brigadier 
Eh  bien  !  Cochu...  Il  n'y  a  plus  moyen,  alors  ? 

MiCHONDARD 

Alors  quoi,  y  a  plus  d'amour  ? 

Cochu 
Voilà,  j'arrive...  mais  surtout  ne  me  signalez  pas  au 
nouveau  mai  gis,  il  me  bouclerait...  paraît  quo  c'est  le 
dernier  des  veaux  ! 

Pastini,  surgissant,  terrible 
Comment  dit^-s-vous  ça  ?    (Briffoteau    remonte   vive- 
ment au  fond  surveiller  sa  corvée.) 

Cochu,  effaré 
Euh...  margis...  je...  C'est  pas  de  vous  que  je  parlais... 

Pastini 
Non,  c'est  de  ma  sœnr...  Eh  bien!  mon  garçon,  vouj» 
m'avei  l'air  d'une  forte  tête... 

Cochu 
Non,  margis,  ja  coiffe  tous  les  képia... 


le  tampon  du  c.\l»iston  61 

Pastini 
C'est  ça,  faites  le  loustic  pour  amuser  vos  cama- 
rades... Et  d'abord  pourquoi  êtes-vous  en  retard  à  la 
c&rvée  ? 

COCHU 

C'est  pas  ma  faute,  margis,  c'est  rapport  à  Philo- 
mône... 

Pastini 
Philomèiw  !  Vous  étiez  avec  Philomène  ? 

CoCHU 

Oui,  margis...  Ce  matin  elle  était  énervée...  Elle  me 
flanquait  des  coups  de  pieds,  pendant  que  je  lui  épon- 
geais les  cuisses...  Alors... 

Pastini 
Assez  !  Vous  n'avez  pas  honte  de  vous  vanter  devant 
vos  camarades  de  vos  cochoncetés  impudiques  ? 

CoCHU 

Mais,  margis... 

Pastini 
Je  parie  que  cette  Philomène  c'est  la  vieiHe  déver- 
gondée qui  vient  ici  racoler  les  hommes... 

CoCHU 

Mais  non,  margis,  Philomène  c'est  la  jument  d« 
capitaine. 

Pastini 

Ouais...  Philomène,  vous  avez  trouvé  ça  ?...  Mais  ça 
ne  prend  pas...  Je  vous  aurai  à  l'œil,  moi,  le  laveur  de 
Philomène...  vous  me  ferez  deux  jours...  (Passe  à 
droite.)  Et  puis,  presto,  au  travail  maintenant...  Vous 
allez  me  nettoyer  ces  tables  et  qu'elles  brillent  comme 
si  elles  étaient  encan tsiquées  !  (U  remonte  au  fond.) 


62  LE    TAMPON    DU     CAPISTON 

COCHU 

Bien,  margis...  (Il  crache  sur  la  table  gauche,  prend 
son  mouchoir  et  la  nettoie.  A  part.)  Quand  on  pense  que 
ce  coco-là  est  Corse,  c'est  à  vous  dégoûter  de  Napoléon  I 

LoRMOis,   entrant  de  droite,   serviette  sous   le   bras 
Ah  1  maréchal  des  logis,  je  suis  content  de  vous  voir... 

J'ai  porté  votre  demande  de  permission  chez  le  ^api- 

laine  et  il  l'a  signée  séance  tenante... 

P ASTI NI 

Ah  I  je  suis  bien  heureux...  Merci,  mon  ami,  merci... 

LORMOIS 

De  rien,  maréchal  des  logis...  (Lui  offrant  un  cigare.) 
Un  cigare  pour  fêter  cette  bonne  nouvelle  ? 

Pastini,  le  prenant 
Ce  n'est  pas  de  refus...  (A  part.)  II  est  syinpatliique 
ce  garçon  I    (V allumant  et   tirant   une   bouffée.)    Euh  I 
Fameux  1 

LORMOIS 

Je  vous  crois  I  Des  Henry  Clay  à  deux  francs... 

CocHU 
Crâneur,  va  !  Cresson  1 

Pastini,  se  retournant  sur  Cochu 
Vous  serez  privé  de  permission  dimanche,  vous,  le 
frotteur,  ça  vous  apprendra  à  être  grossier  avec  M.  le 
secrétaire  de  M.  le  capitaine. 

LoRMOis,  sortant  par  le  fond 
Laissez,  laissez,  maréchal  des  logis,  ça  n'a  aucune 
importance...  c'est  une  betterave.  {Cochu  s^ctssied  à  la 
table  et  la  frotte     mollement.   Sonnerie    de    trompette  ; 
La  corvée  de  pain  ».) 


le  tampon  du  capiston  63 

Pastini 

La  corvée  de  pain  sonne  !  Allez,  brigadier,  dégrin- 
golez-moi subito  en  ville  à  la  manutention  avec  Michon- 
•  lard  et  vous  rapporterez  trente-deux  boules... 

Briffoteau 

Et  dans  quoi  qu'on  va  mettre  le  pain,  margis,  les 
sacs  à  pain  sont  en  reuparation  ?... 

Pastini 

Eh  bien!  prenez  ce  que  vous  vou^^rez,  je  m'en  fous  1 

Briffoteau 

Bien,  margis...  (A  Michondard.)  Viens,  toi.  (Ils 
sortent  par  le  fond,  suivis  de  Pastini.  Dès  que  la  porte 
est  fermée,  Pastini  se  retourne  vivement  et  fixe  Cochu  qui 
le  regarde  en  riant  et  frotte  la  table  plus  mollement. 
Un  temps.) 

SCÈNE    IV 

PASTINI,  COCHU,   pui.s  HORTENSE 

Pastini,  à  Cochu 

Maintenant,  cavalier  Cochu,  à  nous  deux  I 

CocHU,  lui  tendant  le  torchon 

Vous  voulez  m'aider.  Voilà  le  torchon,  margis  I 

Pastini 

Quoi  ?  qu'est-ce  que  c'est  !  Ah  !  Ah  !  je  suis  un  veau  i 
Eh  ben!  le  voau  va  vous  faire  travailler  comme  un  bœuf.. 
Vous  allez,  figure  antipathique,  me  chercher  toutes  les 
assiettes  de  la  cuisine  et  me  mettre  le  couvert  à  toutes 
les  tables...  Je  vous  préviens  en  sus  que  chaque  assiette 


64  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

que  vous  casserez  ça  vous  coûtera  doux  jours...  Figuro 
antipatliique.    (Il  ça  à  Vextrêmité  droite.) 

CocHU,  se  dirigeant  vers  le  fond  à  droite 
Bien,  margis...  (A  part.)  Je  m'étais  trompé,  ce  type-là 
c'est  pas  un  veau,  c'est  une  vache... 
Pastini,  le  suivant 
Allons,   courissez  !    (Cochu  sort  à   gatiche,   poursuivi 
par   Pastini  qui  s'arrête  dans   Cenihra^ure  de  la  porte. 
Du  fond  parait  IJortense  qui  porte  un  immense  bouquet 
de  chrysanthèmes  jaunes  qu'elle  pose  sur  la  table  à  droite.) 

IIORTENSE 

On  m'a  dit  que  Cochu  était  au  réfectoire  :  il  faut 
absolument  que  je  lui  parle  ce  matin  !  Dieu,  que  je  suis 
émue  I  (En  coulisse,  bruit  formidable  de  vaisselle  causée.) 

Pastini 
Là  I  Ça  devait  arriver  avec  une  tourte  pareille... 
Douze  assiettes  cassées,  ça  vous  fait  vingt-quatre  jours 
de  salle  de  police  !  Espèce  de  cochon  de  Cochu.  Allez, 
ramassez-moi  les  morceaux,  tête  de  lard  !  face  d'abruti  ! 
figure  antipathique  ! 

HORTENSE 

Qu'entonds-je  ?  C'est  à  Cochu  que  l'on  parle  ainsi  I 
Oh  !  par  exemple  !  (Apercevant  de  dos  Pastini.)  Hé  là  I 
le   sous-officier... 

Pastini,  se  retournant 

Qu'est-ce  qu'il  y  a  ?  (Descendant  vers  Horiense.  A 
part.)  Ah  I  ça...  boulotte,  pas  jeune,  gueule  peinte... 
Kh  mais,  c'est  la  dévergondée... 

HORTENSE 

Vous  venez  d'être  grossier  envers  le  cavalier  Cochu... 
Je  vous  défends  d'insuher  cet  homme,  c'est  mon  protégé. 


le  tampo.\  du  capiston  65 

Pastini 
Ah  I  c'est  votre  protégé  I  Madame  Philomène  ? 

HORTENSE 

Quoi  ? 

Pastini 
Ainsi,  vous  avez  le  culot  de  relancer  ici  les  hommes 
jusque  dans  la  journée. 

HoRTENSE  outrée 
Qu'est-ce  à  dire  ? 

Pastini 
Vous  n'avez  pas  honte,  à  votre  âge,  de  vous  faire 
éponger  les  cuisses. 

HORTENSE 

Comment  ? 

Pastini 
Allez,   ouste  1  Filez,  quécotte  !   (Il  passe  à   droite.) 
Basta,  Basta  I 

HoRTENSE,  hors  d'elle 
Cocotte  I  II  ra*a  appelé  cocotte  ! 

Pastini 
Oui,  quécotte  I 

Hortense 
Moi  I  La  sœur  du  capitaine. 

Pastini,  tremblant  et  saluant 
Christe  la  Madona  1  La  sœur  du  ca...  ca...  (ScUuant.) 
Madame... 

Hortense 
Mademoiselle,  goujat  I 

Pastini,  bafouillant 
Mademoiselle  Goujat...  non  Mademoiselle  I  Excusez 
mon  erreur...  On  m'avait  donné  le  signalement  d'une 


66  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

crêatnre    mal    famée    dont    auquel...    vous    répondez 
comme  deux  gouttes  d'eau... 

HORTENSE 

Vous  ctes  un  imbécile  et  un  malappris...  et  si  vous 
voulez  que  je  ne  raconte  pas  à  mon  frère  la  façon  dont 
vous  m'avez  traitée,  je  vous  engage  à  vous  montrer  de 
la  plus  extrême  bienveillance  envers  le  cavalier  Cochu, 
pour  lequel  je  nourris  une  estime  particulière... 

Pastini 

Compris,  Mademoiselle...  Dès  l'instant  que  vous 
nourrissez... 

HORTENSE 

C'est  entendu,  n'est-ce  pas  ?  La  plus  extrême  bien- 
veillance. 

Pastin 
Oui,  Mademoiselle... 

HORTENSE 

J'ai  deux  mots  à  lui  dire,  faites-le  venir  ici  immédia- 
tement. (Elle  passe  à  gauche.) 

Pastini,  obséquieux  et  salua?u 

Certainement,  Mademoiselle...  (Allant  vers  la  gauche.) 
Cavalier  Cochu.  (En  coulisse  bruit  de  vaisselle  cassée.) 
Qu'il  est  drôle  ce  garçon,  il  s'amuse  à  casser  toute  la 
vaisselle  I  M.  Cochu,  voulez-vous  me  faire  le  plaisir 
d'avoir  la  complaisance  de  venir  un  petit  peu  par  ici, 
s'il  vous  plaît... 

CoCHU,  entrant 

Voilà,  margis...  c'est  pour  les  assiettes...  (Aperçeoani 
Hortense.)  Oh  I  Mademoiselle  Hortense  !  Fixe  !  (Il  u 
met  au  garde  à  vous.) 


LE    TAMPON    DU    CAPISTOIt  67 

HORTENSE 

Repos,  mon  ami,  repos... 

Pastini,  descendant 

Son  ami  I  II  est  sympatliique  ce  garçon...  (.Saluant 
Hortense.)  Mademoiselle,  à  votre  service...  (A  Cochu.) 
Au  revoir,  Monsieur  Cochu,  au  revoir... 

Cochu 
Allez  à  la  gare  ! 

Pastini,   en  sortant  à  gauche  par  le  fond,   à  part 

Christe  la  Madonà,  la  betterave  est  dans  les  huiles... 
(Jl  sort  à  gauche.) 

SCÈNE   V 

HORTENSE,   COCHU 

Hortense 

Vous  devez  être  bien  surpris,  Cochu,  de  me  voir  et 
cette  heure  au  quartier  ? 

Cochu,  étonné 
Oui,  Mademoiselle. 

Hortense 

Eh  bien  !  c'est  pour  vous  que  je  suis  venue... 

Cochu 
Pour  moi  ? 

Hortense 

Oui...  ce  matin,  j'étais  dans  le  jardin,  et  en  voyant  ces 
beaux  chrysanthèmes...  (Elle  prend  son  bouquet.)  Je 
me  suis  dit  :  «  Ah  I  il  faut  que  j'en  porte  un  bouquet  à  ce 
brave  Cochu...  »  Voilà...  (Riant.)  Eh  !  eh  I  eh  I...  Et 


68  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

je  VOUS  Pai  apporté...  prenez...  (Elle  lui  donne  le  bou- 
quet.) 

GocHU,  ahuri,  prenant  le  bouquet 

C'est  pas  ma  fête...  Merci  quand  même,  Mademoi- 
selle. (A  pari.)  Oh  1  Elle  n'est  pas  encore  dessoûlée 
ce  matin  ! 

HORTÉNSE 

Vous  mettrez  ce  petit  bouquet  auprès  de  votre  lit... 
il  vous  dira  tout  bas  ce  que  je...  ce  que  vous...  ce  que  je... 

CocHU,  abasourdi,  haut 
Oui...  oui...  oui...  (A  part.)  Quelle  muffée,  mon  empe- 
reur ! 

HORTENSE 

Je  ne  sais  pas  comment  vous  dire  !  Je  voudrais  que 
VOUS  me  comprissiez...  Vous  avez  devant  vous  une  petite 
femme  bien  émue,  Cochu,  ayez  pitié  d'elle...  écoutez... 
ou  plutôt  tenez...  lisez  ces  vers,  je  les  ai  composés  pour 
vous...  (Elle  lui  donne  un  petit  papier.) 

CoCHU,  prenant  le  papier  et  posant  le  bouquet  sur  la  table 

Mince  I  Elle  m'a  composé  un  compliment  I 

HORTENSE,   à  part 

Je  fais  vraiment  tout  ce  que  je  peux  1 

CocHU,   lisant 
Cochu  en  ce  beau  jour 
Accejiir-z  sans  détour 
Ces  jaunes  chrysanthèmeê 
Dune  main  qui  vous  aime. 

HoRTENSE 

Et  cette  main,  Cochu,  c'est...  c'est...  c'est...  la  mienne.. 
(A  part.)  Mon  Dieu  !  que  je  suis  émue  I  (Elle  détourne 
Us  yeux  de  Cochu  et  s'éponge  le  front  avec  son  mouchoir.) 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  69 

COCHU 

Comment,  la  main  de  Mademoiselle  m'aime  ? 

HORTENSE 

Oui,  Cochu,  la  main,  les  mains,  le  cœur,  et  puis  tout... 
tout  vous  aime... 

Cochu 
Vous  m'aimez  ?  Moi  ?  Pourquoi  ? 

HORTENSE 

Parce  que  vous  êtes  beau... 

Cochu 

Je  suis  beau  (Se  regardant  dans  sa  petite  glace,  quUl 
tire  de  sa  poche.)  Mais  elle  n'est  pas  si  soûle  que  ça  ; 
je  ne  l'avais  pas  remarqué  !... 

HoRTENSE,  à  part 
Ça  prend  \...(Haut.)  Oui,  mais  de  votre  côté...  est-ce 
que  je  vous  plais  un  peu  ? 

Cochu 
Vous,  Mademoiselle,  avec  des  arrière-postes  comme 
les  vôtres...  Faudrait  être  difficile... 

HORTENSE 

De  sorte  que  si  je  vous  laissais  comprendre...  11  ne 
vous  serait  pas  désagréable  de...  Je  suis  si  gênée...  Venex 
à  mon  secours. 

Cochu 

A  votre  secours  ! 

HORTENSE 

Epargnez-moi  de  vous  faire  moi-même  des  cuver 
tures 

CoCHU 

Vous  voulez  me  faire  des  ouvertures  ? 


70  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

HORTENSE 

A  votre  tour  j'attends  que  vous  me  demandiez..* 

COCHU 

Quoi  ? 

HoRTENSE,  tendrement 

Ne  le  devinez-vous  pas  ? 

CocHU,  la  regardant 

Comment  c'est  ça  ? 

HORTENSB 

C'est  ça... 

CoCHU 

Qh  I  vicieuse  I  Alors  quoi,  vous  avez  un  pépin  pour 
mol  ? 

HORTENSE 

Oui,  Cochu,  un  pépin,  que  dis-je,  un  noyau  I 

CocHU 
Bti  bien  !  mais...  on  peut  s'entendre. 

HoRTENSE  à  part 
Il  y  vient... 

CocHU 

Justement  à  côté  il  y  a  la  chambre  du  chef,  qui  est 
vide. 

HORTENSE 

Ah  I  voyons,  Monsieur  Cochu  I  Vous  parlez  à  une 
jeune  fille  l 

CoCHU 

Ah  1  oui...  Une  jeune  fille.  Alors,  faut  qu'on  ait  du 
temps  devant  nous  I 

HORTENSE 

Il  faut  que  nous  soyons  mariés  I 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  71 

COCHU 

Mariés,  nous  deux  ? 

HORTENSE 

Mais  oui. 

CoCHU 

Pour  de  vrai  ? 

HORTENSE 

Devant  M.  le  maire... 

GOCHU 

Vous  seriez  M™«  Cochu  ?... 

HORTENSE 

Oui,  mon  ami,  si  vous  y  consentez.^ 

CoCHU 

Tu  parles...  (Se  reprenant.)  Euh  1  Mademoiselle 
parle...  (A  part.)  Ah  !  nom  de  Dieu  !  Les  copains  vont 
en  baver  des  basanes. 

HORTENSE 

Alors,  dès  aujourd'hui,  je  puis  m'occuper  dos  bans  ? 

CocHU 

Ça  colle...  (Il  passe.)  Occupez-vous  des  bancs...  des 
fauteuils...'o(  du  lit... Tout  ça  large...  très  large...  Qu'on 
soye  à  l'aise... 

HoRTENSE 

J'achèterai  tout  le  nécessaire... 

CoCHU,    revenant  à  elle 
Par  exemple,  je  vous  préviens  tout  de  suite  que  j'ai 
pas  une  grosse  dot  :  treize  sous  et  un  bon  de  tabac* 

HORTENSE 

Je  vous  en  prie,  n'agitons  pas  ces  questions  maté- 
rielles... 


"Q  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 


COCHU 

Oui,  n'agitons  pas  le  matériel... 

HORTENSE 

En  attendant  notre  mariage  et  pour  que  vous  n« 
soyez  pas  gêné,  voici  deux  mille  francs  dans  un  joli 
porte-cartes  à  vos  initiales...  (A  part.)  Avec  ses  trois 
millions,  il  me  les  rendra  au  centuple... 

CoCHU 

Deux  mille  balles  J  (A  part.)  Je  vais  me  payer  un 
tampon. 

HORTENSE 

Et  maintenant,  beau  vainqueur,  échangeons  le  baiser 
des  fiançailles. 

CocHu 

Pour  ce  prix-là,  si  vous  en  voulez  deux...  (Il  Vem- 
brasse.) 

SCÈNE    VI 

LES  MÊMES,  LE  CAPITAINE 


Il  Capitaine  entrant  du  fond  gauche  et  surprenant 

le  baiser. 
Oh  I 

HoRTENSE  gagnant  la  gauche 
Hector  f 

Cocnu,  gagnant  la  droite 

Le  capitaine  !  Ça  va  barder... 

Le  capitaine,  outré 
Ma  sœur  dans  les  bras  de  l'ordonnance  1 


LE   TAMPON    DU    CAPISTON  75 

IfORTENSE 

Ce  n'est  plus  une  ordonnance,   Hector,  c'est  mon 
fiancé  I 

Le  capitaine,  s^tupéjait,  allant  à  Hortense 
Quoi  ? 

GOCHU 

On  se  marie,  mon  capitaine,  pour  de  bon...  deyant  le 
maire... 

Le  capitaine 
C'est  une  plaisanterie,  n'est-ce  pas  ? 

Hortense 

Non,  Hector,  nous  nous  aimons  et  dans  trois  semaines, 
je  serai  Madame  Cochu. 

Le  capitaine 
Madame  Cochu  I...  Qu'est-ce  que  c'est  que  cette  his- 
toire  ? 

Hortense 
C'est  une  histoire  d'amour. 

Le  capitaine 
Toi,  ma  sœur...  tu  te  serais  entichée  de  cet  individu  ? 

Hortense 
Je  l'adore... 

Cochu,  au  capitaine 
Oh  1  ça  la  tient  Lien  !... 

Le  capitaine 
Voyons    Hortense...    c'est    impossible  !    Ce    matin 
*^encore,  tu  le  traitais  d'animal,  d'ân«  bâté  et  de  crétin... 

Hortense 
Les  grandes  passions  commencent  souvent  par  de 
la  haine... 


74  le  tampon  du  capiston 

Le  capitaine 
Je  t*en  prie,  regarde-le  :  il  a  une  tête  de  brute...  des 
mains  de  charretier...  des  pieds  de  déménageur... 

COCHU 

Ce  qu'il  m'abîme... 

Le  capitaine 
Il  est  ignorant...  il  est  complètement  idiot  I 

CoCHU,  remontant 
Ah  non  I  II  chère... 

HORTENSE 

Tu  es  injuste...  Mais  je  ne  veux  pas  discuter  :  tel 
qu'il  est  Cochu  m'a  plu... 

CoCHU 

Averse  I... 

HORTENSE 

Et  Cochu  sera  mon  mari  1 

Le    CAPITAINE 

Je  m'y  opposerai  d*  toutes  mes  forces  î 

HoRTENSE 

Alors,  je  prendrai  les  grands  moyens  et  je  me  ferai 
enlever  par  Cochu... 

CocHU 

A  votre  service...  je  fais  cent  kilos,   à  l'arraché... 

Le    CAPITAINE 

Oh  I  II  y  a  là-dessous  quelque  chose  qui  m'échappe..* 
Toi  qui  peux  ambitionner  un  beau  parti.  Le  comman" 
dant,  tout  à  l'heure,  me  parlait  de  toi  d'une  façon  signi- 
ficative, malgré  la  ridicule  réception  d'hier...  Hésite- 
rais-tu entre  cet  officier  et  un  cavalier  de  seconde  classe  ? 


^ 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  75 

HORTENSE 

L'amour  ne  connaît  ni  grades,  ni  galons...  Des  reines 
ont  épousé  de  simples  bergers... 

CocHU  la  prenant  dans  ses  bras 

Te  laisses  pas  faire,  ma  gosse  ! 

Le  capitaine  prenant  les  mains  d'Hortense 

Songe  aux  conséquences  désastreuses...  de  cette 
mésalliance,  pour  mon  avancement...  Jamais  le  comman- 
dant ne  me  pardonnera. 

HORTENSE 

Tu  perds  du  temps,  mon  ami...  Je  veux  vivre  ma  vie... 

CoCHU 

Oui,  elle  veut  vivre  ma  vie  I  (Hortense  passe  ses  bras 
autour  du  cou  de  Cochu.) 

Le  capitaine,  se  prenant  la  tête 
C*est  un  cauchemar  I...  Je  vais  me  réveiller... 

CocHU 
Voulez-vous  que  je  vous  pince  ?... 

Le  capitaine 
Et  il  se  fiche  de  moi,  encore  I...  Attends  un  peui 
espèce  de   saligaud  I...    (Il  va  pour  se  précipiter  sur 
Cochu.) 

SCÈNE  VII 

LES  MÊMES,  LE  COMMANDANT 

Le  commandant,  entrant 
Eh  bien  I  qu'y  a-t-U  ? 


76  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

Le  capitaine,  furieux 
Mon  commandant,  il  y  a  que  cette  brute  s'est  permis 
de... 

Le  commandant 
Ah  1  c'est  encore  votre  crétin  d'ordonnance  ?... 

CocHU,  riant  bêtement 
Oui,    mon    commandant  I     (A    Hortense.)    11    m'a 
reconnu  I 

Hortense 
Commandant,   c'est  un  garçon   d'un   grand   mérite 
et  je  le  recommande  à  votre  bienveillance... 

Le  capitaine 
Mais,  mon  commandant,  si  vous  saviez... 

Le  commandant,  V interrompant 
Je  ne  sais  qu'une  chose,  capitaine,  c'est  que  la  volonté 
d'une  jolie  femme  est  sacrée...  (A  Cochu.)  Approchez, 
mon  garçon...  Y  a-t-il  quelque  chose  que  vous  désiriez  ? 

Cochu 
Oui,  mon  commandant,  un  congé  libérable...  (Regar- 
dant Hortense.)  pour  me  marier... 

Le  commandant 
Allez  dire  au  maréchal  des  logis  de  vous  le  préparer... 
(Il  passe  4,  Cochu  remonte  au  fond.) 

Le  capitaine,  rongeant  son  frein 
Elle  est  raide,  celle-là  I 

Hortense 
Merci,  commandant  I 

Le  commandant 
De   rien,    Mademoiselle...    Ce   brave   garçon    pourra 
épouser  sa  payse...   (A   Cochu  qui  a  gagné  la  porte.) 


LE    TAMPON    DU     GAPISTON  77 

Qu'est-ce  que  c'est  que  votre  future,  mon  ami  ?  Une 
paysanne  ?  Une  bonne  ? 

CocHU,   -fièrement,  revenant 

Non,  mon  commandant...  (Fixant  Hortense.)  Une 
femme  du  monde...  (Il  sort  par  la  gauche  en  faisant  de 
Vœil  à  Hortense.) 

Le  commandant 

Une  femme  du  monde  !  Oh  !  oh  !  oh  I  avec  cette 
tête-là.  Vous  ne  trouvez  pas  ça  drôle,  Mademoiselle  ? 

Hortense,  sèche 
Non,  mon  commandant. 

Le  commandant 
Excusez-moi  :  je  vois  que  vous  m'en  voulez  toujours 
un  peu  de  n'avoir  pas  su  dissimuler  quelque  impatience 
hier,  à  votre  five  o'clock... 

Hortense 

Nullement,  commandant. 

Le  capitaine 

C'était  bien  naturel  !  Avec  cette  brute  d'ordonnance. 

Le  commandant 

Ne  parlons  plus  de  ça.  Mais  vous  avez  bigremeat 
bien  fait  de  vous  en  débarrasser. 

Hortense,  çii>ement 

Oh  I  mais,  mon  commandant,  il  a  bien  des  excuses, 
ça  n'a  jamais  été  son  métier.  Ce  n'est  pas  un  domes- 
tique. 

Le  commandant 

Votre  indulgence  et  votre  bonté  vous  aveuglent, 
chère  Mademoiselle.  Et,  tenez,  cela  même   me    laisse 


78  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

espérer  que  vous  fermerez  les  yeux  sur  mes  nombreux 
défauts  et  que  vous  consentirez  peut-être  à  m'agréer 
pour  compagnon  de  vos  jours  ?... 

Lb  capitaine 

Mais,  mon  commandant  I  Quel  honneur  I  Je  suis  sûr 
que  ma  sœur  appréciera  les... 

HORTENSE 

Ce  n'est  pas  à  toi  à  répondre,  Hector. 

Le  commandant 
Ah  !  c'est  juste  I 

HoRTENSE 

C'est  moi  qui  suis  en  jeu...  Tu  connais  mes  senti 
ments...  Commandant,  à  votre  demande,  je  suis  obligée 
de  répondre... 

Le  CAPITAINE,  vivement 

De  répondre  que  tu  réfléchiras. 

Le    COMMANDANT 

C'est  trop  juste.  Quand  il  s'agit  de  s'enchaîner  pour 
la  vie,  on  ne  saurait  prendre  trop  de  temps  pour  réflé- 
chir... Je  reviendrai  dans  cinq  minutes,  f//  sort  à  droite 
2«  plan.) 

Le  CAPITAINE,  bas 

-  J'espère  que  tu  vas  accepter. 

HORTENSE 

Non,  non  et  non  !...  C'est  Cochu  qu'il  me  faut... 

Le    CAPITAINE 

Oh  I  la  rosse  !  la  rosse  I 

Voix    DU    COMMANDANT 

Eh  !  bien,  Reverchon,  vous  venez  ? 


y^v 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  79 

HORTENSE 

C'est  Cochu  !  C'est  Cochu  qu'il  me  faut  ! 

Le  capitaine,  en  sortant 

Voilà,  mon  commandant.  (A  part.)  C'est  de  l'hys 
térie  !,.. 

HORTENSE 

L'hystérie...  Trois  millions... 

SCÈNE  VIIÏ 

HORTENSE,  MAITRE  POUPONET 


Maître  Pouponet,   entrant  par  le  fond  gauche 
Tiens,  Mademoiselle  Hortense... 

Hortense 
Bonjour,  Maître...  Comment  vous  ici  ? 

Maître  Pouponet 

Oui,  le  commandant  m'a  fait  appeler  d'urgence.  Ne 
doit-il  pas  vous  épouser  ? 

Hortense 

Oh  I  c'est  de  l'histoire  ancienne,  grâce  à  votre  petite 
confidence  d'hier,  j'épouse  l'heureux  héritier. 

Maître  Pouponet 

Comment,  vous  ?  (A  part.)  Pauvre  jeune  homme  I 
(Haut.)  Félicitations. 

Hortense 

11  m'aimait  en  secret...  et  j'ai  bien  voulu  consentir 
à  faire  son  bonheur. 


80  le  tampon  du  capiston 

Maître  Pouponet 

Mais  puis-je  espérer  que  malgré  ce  chassé-croisé,  vous 
userez  de  mes  bons  onices  ? 

HORTENSE 

Certainement,  Maître  Pouponet.  A  ce  sujet,  je  vou- 
drais bien  vous  demander  une  consultation  pour...  une 
de  mes  amies. 

Maître  Pouponet 

Tout  à  vos  ordres,  Mademoiselle. 

riORTENSE 

Comment  une  femme,  qui  n'a  pas  beaucoup  d'argent 
et  qui  opouse  un  homme  qui  en  a  beaucoup,  doit-ello 
s'y  prendre  pour  on  avoir  beaucoup  et  en  laisser  le 
m  )ins  possible  à  son  mari  ?  Oui...  (Se  reprenant,) 
Eiifm... 

Maître  Pouponet 

Eh  bien  !  Mademoiselle,  vous  répondrez  à...  votre 
amie  dt*  faire  un  contrat  prévoyant  la  communauté 
avec  attribution  de  tous  les  biens  présents  et  à  venir  au 
dernier  survivant. 

llORTENSE 

Mais  en  cas  de  divorce  ? 

Maître  Pouponet 
C'est  le  partage  par  moitié  I 

Hortense  à  part 

La  moitié  ?...  C'est  encore  très  bien...  (Flaut.) 
J'avertirai  mon  amie.  Je  vaus  remercie. 

Maître  Pouponet 
A  votre  service...  et  à  celui  de  votre  amio. 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  81 

HORTENSE 

Mais  souffrez  que  je  vous  laisse.  Je  bous  d'aller  rejoin- 
dre mon  fiancé.  (Frappant  sa  poitrine.)  Si  vous  saviez 
ee  que  j'ai  là  pour  lui... 

Maître  Pouponet 
Ce  doit  être  fort  bien,  Mademoiselle  I 

HORTENSE 

Flatteur  1  Au  revoir,  au  revoir.  (Elle  sort  par  le 
fonds.) 

Maître  Pouponet,  seul 

Baste  I  Qu'elle  épouse  l'ordonnance  ou  le  comman^ 
dant...  C'est  toujours  moi  qui  ferai  le  contrat.  Alors  ' 
(Se  frottant  les  mains.)  Ça  va,  ça  va...  Je  suis  content- 
(Il  sort.) 

SCÈNE   IX 

LORMOIS,  YVONNE 

LoRMOis,  arrivant  du  fond 
Par  ici,  Mademoiselle  Yvonne,  nous  serons  tranquilles 
pour  bavarder. 

Yvonne 

Oh  !  Je  n'ai  qu'un  mot  à  vous  dire,  depuis  hier  j'a^ 
beaucoup  réfléchi,  vous  êtes  décidément  trop  poltron 
pour  demander  ma  main  à  mon  père. 

LoRMOis,  se  levant 
C'est  vrai... 

Yvonne 

Vous  n'étiez  pourtant  pas  si  timide, quand  vous  av«B 
flirté  la  première  fois  avec  moi  à  la  musique. 


82  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

LORMOIS 

C'est  parce  qu'il  y  avait  du  monde...  du  bruit...  des 
inslruments  qui  jouaient...  ça  me  donnait  du  courage. 

Yvonne 
Vous  ne  voulez  tout  de  même  pas  que  j'installe  un 
orchestre  auprès  de  papa  pour  vous  aider  à  lui  demander 
ma  main. 

LoRMOIS 

Méchante,  vous  vous  moquez  de  moi. 

Yvonne 
Non.,  je  vous  gronde,  Monsieur...  Le  manque  d*audace 
est  un  très  vilain  défaut  pour  un  homme. 

LoRMOIS 

A  qui  le  dites-vous  I... 

Yvonne 
La  timidité,  c'est  comme  la  poudre  de  riz...  ça  ne  va 
bien  qu'aux  femmes. 

LoRMOIS 

Vous  vous  passez  bien  de  poudre,  vous.  Mademoiselle? 
Yvonne 

Oh  I  moi  je  suis  un  peu  garçon...  Et  tenez  il  me  sem- 
ble que  si  j'étais  comme  vous,  militaire,  cavalier,  secré- 
taire du  capitaine-adjudant  major,  je  n'hésiterais  pas 
longtemps. 

LoRMOIS 

Que  feriez-vous  ? 

Yvonne 

Je  me  planterais  crânement  devant  mon  supérieur 
et  je  lui  dirais  :  «  Mon  capitaine,  Mademoiselle  votre 
fille  a  fait  le  siège  de  mon  cœur,  moins  courageux  que 
la  vieille  garde,  je  meurs  d'amour  et  me  rendb...  » 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  83 

LORMOÎS 

Et  le  capitaine  vous  répondrait  :  «  Rendez-vous  à 
la  salle  de  police,  vous  avez  les  cheveux  trop  longs, 
Mademoiselle.  »  Ah  !  non,  ma  petite  Yvonne,  avec  votre 
père,  c'est  inutile,  je  ne  pourrai  jamais  lui  parler  de 
vous. 

Yvonne 

Alors,  grand  poltron,  demandez  au  commandant  de 
voos  servir  d'avocat  auprès  de  lui. 

LORMOlS 

Moi  I...  Parler  au  commandant  I  C'est  effrayant  !.. 

Yvonne 

Un  peu  de  courage,  voyons...  Il  y  a  six  mois  que  nous 
sommes  fiancés  en  cachette..  Je  veux  me  marier  moi... 
J'en  ai  assez  d'attendre...  Je  suis  de  la  classe. 

LoRMOis,  Vembrassant 
Vous  êtes  délicieuse...  Tenez,  je  vous  aime  tant  que 
je  vais  parler  ce  matin  même  au  commandant. 

Yvonne 
Bravo.  C'est  un  excellent  homme  d'un  abord  trèg 
facile.  Il  consentira  sûrement  à  plaider  votre  catise. 
(Voix  du  commandant  en  coulisse.) 

Yvonne 
Justement  j'entends  sa  voix...  Il  vient  par  ici.,.  Je 
me  sauve,  je  reviendrai  dans  une  demi-heure. 

LoRMOIS 

Quelle  émotion  !... 

Yvonne 
En  passant  au  poste,  puisque  la  musique  vous  donne 
du  courage,  je  dirai  au  trompette  de  vous  jouer  un  petit 


84  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

air  pendant  que  vous  parlerez  au  commandant.  (Ellf 

iort.) 

LoRMOis,    seul 

Méchante  I  Oui,  je  vais  lui  parler  au  commandant  I 
Oui,  je  vais  lui  parler...  (Regardant  à  la  cantonade.) 
Pas  maintenant,  tout  à  l'heure.  (Il  sort  à  gauche.) 


SCÈNE  X 

LE  COMMANDANT,  MAITRE  POUPONET 

Maître  Pouponet 
Mon  commandant,  vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m 
convoquer   d'urgence... 

Le  commandant 
C'est  pour  ce  projet  de  contrat,  dont  je  vous  ai  parle] 

hier. 

Maître  Pouponet 

Quel  contrat,  commandant  ?... 

Le  commandant 
Ne  vous  l'ai-je  pas  dit  ?  Mon  contrat  de  mariage  avec. 
la  soeur  du  capitaine  ! 

Maître  Pouponet 
Avec  la  sœur  du  capitaine  ? 

Le  commandant 
Sans  doute..  Vous  avez  l'air  de  tomber  de  la  lune  I..j 

Maître  Pouponnet 
Non,  mon  commandant..  J'avais  bien  entendu  parler| 
du  mariage  de  M"«  Reverchon... 


le  tampon  du  capiston  $5 

Le  commandant 
Eh  bien  !... 

Maître  Pouponet 

Mais  ce  n'était  pas  précisément  avec  vous... 

Le  commandant 
Vous  voulez   rire... 

Maître  Pouponet 

Nullement...  Tout  récemment,  j'ai  vu  M"^  Hortense 
et  elle  m'a  parlé  d'un  projet  d'union  avec  un  tout  jeune 
homme... 

Le  commandant 
Eh  bien  ? 

Maître  Pouponet 

Je  dis  un  tout  jeune  homme. 

Le  commandant 

Ah  !  Un  tout  jeune  homme  !...  Mais  alors,  ce  n'est 
pas  moi  !... 

Maître  Pouponet 

J'en  ai  peur  I... 

Le  commandant 

Ah  !  Ça  c'est  trop  fort...  et  le  capitaine  qui  me  îaisse 
m'emballer  sur  sa  sœur...  Et  quel  est  l'heureux  mortel 
qui  m'a  supplanté  ? 

Maître     Pouponet 
C'est  un  simple  cavalier  de  seconde  classe,  mon  com- 
mandant ! 

Le  commandant 

Un  cavalier  de  seconde  classe  I  Ça,  alors,  ça  dépasse 
tout..  Me  préférer  à  moi,  commandant,  un  simple  bibi...! 
le  nom  du  bibi..  le  nom  de  celui... 


8(5  LE    TAMPON    DU    CAPISTOlf 

Maître    Pouponet,    montrant    Lormois  qui  rentré 
timidement. 

Juatement,  le  voici,  mon  commandant. 

Le  commandant 
Ventre  de  biche,  mais  c'est  Lormois...  Merci,  notaire» 
merci   bien. 

Maître  Pouponet 

De  rien,  mon  commandant...  Je  suis  content...  j® 
viens  encore  une  fois  d'arranger  les  choses...  Ça  va,  ç^ 
va,  (Il  sort.) 

SCÈNE    XI 

LE  COMMANDANT,  LORMOIS,  puis  PASTINl 

Le  commandant,  redescendant  à  droite,  à  Lormois 

Approchez... 

liORMOis,   s'aoançant^  à    part 

Il  n'a  pas  l'air  trop  mal  disposé  ;  c'est  le  moment  de 
lui  demander  son  appui...  (Haut.)  Mon  commandant, 
encouragé    par    votre    bienveillance,    je    voudrais... 

Le  commandant,  interrompant 
Taisez-vous  !...  Est-il  exact  que  vous  ayez  des  visées 
sur  la  maison  du  capitaine  ? 

Lormoiss 

Ah  1  mon  commandant  sait  ?  Je  suis  bien  heureux... 

mon  commandant...  parce  que  précisément  j'espérais 

que... 

Le  commandant 

Qne  qvioi  ? 


LE    TAMl'ON    DU    CAPISTON  87 

LORMOIS 

Que  vous  consentiriez  à  me  prêter  votre  appui  pom 
que  j'obtienne  la  main  de  la  personne  qui... 

Le  commandant 

Que  je  vous  aide,  moi  ?..  Ça  par  exemple,  c'est  une 
trouvaille. 

LORMOIS 

Oui,  mon  commandant.  Vous  êtes  toujours  si  bon  poi  f 
les  hommes  de  votre  escadron  et  puis...  vous  m'intimi- 
dez moins  que  le  capitaine. 

Le  commandant 

Très  flatté,  mon  ami.  Mais  on  ne  vous  a  donc  pas  dit 
chez  le  capitaine  que  moi  aussi  j'avais  le  désir  d'entrer 
dans  sa  famille  ? 

LORMOIS 

Si,  mon  commandant,  M^ie  Hortense  avait  bien  voulu 
m'en  faire  la  confidence... 

Le  commandant 
Oh  !  M^ie  Hortense  vous  en  avait...  Et  ça  ne  you»  a 
pas  fait  hésiter... 

LoRMOIS 

Du  tout,  mon  commandant,  au  contraire. 
Le    commandant,   se  contenant 

Ah  !  au  contraire  ! 

Lormois 

Ça  ne  pouvait  que  me  flatter  et  m'exciter  à  aller  de 
l'avant. 

Le  commandant,  rageant 

Ah  I  ça  vous  a  excité...  {A  part.)  Il  est  cynique  I.,« 


88  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

LORMOIS 

Quand  on  se  sent  aimé  I... 

Le  commandant 

Bravo  I  Et  naturellement  c'est  votre  poste  do  secré- 
taire chez  le  capitaine  qui  vous  a  permis  de  manigancer 
cette  petite  affaire  ? 

LORMOIS 

En  effet...  ça  m'a  permis  de  faire  très  facilement  la 
cour  à  M^i^  Reverchon. 

Le  commandant 

C'est  parfait.  Vous  vous  rencontriez  souvent  ? 

LORMOIS 

Souvent,  très  souvent,  mon  commandant.  Dans  le 
vestibule  chaque  jour  en  entrant  et  puis  le  dimanche 
nous  soupirions  ensemble  à  la  musique. 

Le  commandant 
C'est  attendrissant.  Et  moi  qui  n'y  voyais  que  du  feui 

LORMOIS 

Oh  1  dame,  on  se  cachait  bien.  Mais  maintenant  nous 
avons  le  grand  désir  que  ce  soit  officiel. 

Le  commandant 

Comme  vous  avez  raison  I  Vous  ferez  un  couple  déli- 
cieux. (A  part.)  Elle  pourrait  être  sa  mère. 

Lormois 

Oh  I  votre  accueil  paternel,  mon  commandant,  m*fa- 
clte  à  vous  demander  encore  une  faveur. 

Le  commandant 
Au  point  où  vous  êtes,  je  comprends  ça. 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  M 

LORMOIS 

Si  je  pouvais  avoir  un  après-midi  sur  deux  de  libre, 
je  pourrais  me  rendre  chez  ma  fiancée,  et... 
Le  commandant 
Vous  voulez  peut-être  que  je  vous  change  d'emploi  ? 

LORMOIS 

Je  n'osais  pas  vous  le  demander,  mon  commandant. 

Le  commandant 
On  vous  trouvera  quelque  chose. 
LoRMois,  à  part 
Il  est  charmant. 

Le  commandant 
Hé  là-bas,  le  margis,  approchez  un  peu... 
Pastini,  faisant  claquer  ses  talons  pour  se  mettre  au 
garde  à  vous 
Mon  commandant  1 

Le  commandant 
On  a  dit  au  rapport  d'hier,  je  crois,  qu'on  avait  besoin 
d'un  garçon  à  la  cuisine... 

Pastini 
Oui,  mon  commandant,  pour  remplacer  Balutmar 
qu'on  a  «  désinfecté  »,  parce  qu'il  avait  fait  bouillir  son 
treillis  dans  la  soupe. 

Le  commandant 
Parfait  I  Alors,  voici  le  cavalier  Lormois  auquel  je 
m'intéresse  et  qui  désire  quitter  son  poste  de  secrétaire.. 
Affectez-le  donc  aux  cuisines. 

Pastini 
Comment  mon  commandant.  Monsieur  Lormois...  aux 
cuisines  ? 


90  le  tampon  du  capiston 

Le  commandant. 

Parfaitement.  Il  désire  se  marier.  Il  apprendra  ainsi 
les  soins  du  ménage, 

LoRMOis,  affolé 

Mais...    mon    commandant,    je... 

Le  commandant 

Ne  me  remerciez  pas...  Ce  n'est  qu'un  petit  commen 
cernent... 

LORMOIS 

Ohl 

Le  commandant 

Je  n'aime  pas  beaucoup  qu'on  se  paye  ma  tête,  mon 
jeune  ami... 

Lormois 

Moi,  je  me  suis  payé... 

Le  commandant 

Je  suis  un  bon  bougre,  mais  tout  de  même,  comme 
ils  disent  au  peloton...  Vous  avez  égratigné  le  palissan* 
dre.  (En  sortant.)  Il  m'en  a  fichu  la  migraine  ! 

SGÈNE    XII 

LORMOIS,    PASTINI,    puis    COCHU 

LORMOIS 

Cuisinier  I   Moi  !   Avec   mon   éducation  I 

Pastini 

Eh  bien  1  vous  allez  commencer  par  me  nettoyer  les 
fourneaux  avec  votre  inducation...  Mais  d'abord,  je 
vais  vous  équiper...  (Il  va  décrocher  derrière  la  porte  {U 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  91 

gauche  un  bourgeron,  un  treillis  et  un  calot  de  cuisinier. 
Les   vêtements  sont   noirs  de  crosne.) 

LORMOI.S 

Eh  bien  I  j'en  ai  de  la  chance  avec  mon  mariage  I 

Pastini 

Là  I  endossez-moi  vilement  ce  petit  complet...  (Ii 
lui    passe    les    vêtements.) 

LoRMOis,   faisant  la  grimace 

Il  est  immonde  I 

Pastini 

Et  tâchez  moyen  d'en  avoir  soin  !  Chaque  tache  voui 
coûter  deux  jours  !  Figure  antipathique  1 

LORMOES 

Chaque  tache  en  plus,  alors  j'en  ai  pour  vingt  ans. 
CoCHU,    entrant    du   fond^  apercevant    Pastini 

Oh  !  le  Corsico  I  Je  me  débine  !  (Il  va  pour  sortit 
à   gauche.) 

Pastini,   Vapercevant 

Eh  benl  Cochu,  ne  vous  en  allez  pas  comme  ça,  mor 
ami,  ce  n'est  pourtant  pas  moi  qui  vous  ellraie.... 

CocHU 
Si,  margis  I 

Pastini 

Ah  1  que  vous  avez  donc  tort  I  Je  ne  vous  mangerai 
pas,  bien  au  contraire...  Un  cigare  ?  (A  Lormois,} 
Passez  donc  les  cigares,  vous  I  (Il  prend  Vétui  à  cigareê 
de  Lormois  et  offre  un  cigare  à  Cochu.) 

CocHU 
Un  cigare  à  moi  I  De  vous  à  moi... 


92  le  tampon  du  capisto» 

Pastini 
Mais  oui,  prenez,  prenez... 

LORMOIS 

Ça,  par  exemple  I  c'est  raide... 

Pastini,  *£ndant  son  briquet  à  Cochu 
Un  peu  de  feu  ? 

CoCHU 

De  votre  feu  ?  Oh  !  margis,  c'est  trop,  vraiment,  c'est 
trop. 

Pastini,    lui  donnant  du  feu 

Vous  me  récompensez  en  glissant  un  petit  mot  pour 
mon   avancement  en  haut  lieu... 

CoCHU 

Vous  voulez  avajicer  aux  lieux  ? 

Pastini 

Farceur  I  Vous  me  comprenez...  Mais  asseyez-vous 
donc  pour  fumer  bien  à  votre  aise...  (Il  le  fait  asseoir 
tur  le   banc  de  droite,) 

CocHU 

C'est  que,  margis,  je  venais  pour  ramasser  les  mor- 
ceaux des  assiettes,  que  j'ai  cassées  tout  à  1  heure... 

Pastini 

Laissez  donc  ça,  mon  ami...  Nous  avons  un  nouveau 
garçon  de  cuisine  qui  va  s'occuper  de  cette  besogne 
malpropre...  (Il  va  vers  Lormois.)  Vous  avez  entendu 
le  fourbi,  hein,  l'homme  à  la  figure  antipathique? 

CocHU,  apercevant  Lormois 

Ah  I  ah  !  le  secrétaire...  qui  est  cuistancier...  Te» 
actions  pont  plutôt  en  baisse,  le  pommadé.... 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  93 

LORMOIS 

Je  vous  dispense  de  vos  réflexions,  espèce  de  malotru  I 
Pastini 

Moi,  je  vous  dispense  de  permission  dimanche,- 
figure  antipathique  I  Ça  vous  apprendra  à  manquer  de 
condésirations  vis-à-vis  de  M.  Cochu. 

LORMOIS 

Oh  I 

CoCHU,    fumant   prétentieusement  son  cigare 
et  faisant  un  signe  protecteur  de  la  main. 
Laissez,  margis,  laissez,  ça  n'a  aucune  importance, 
c'est  une  betterave. 

LORMOIS 

Betterave  I   Moi  ! 

Pastini 
Parfaitement,  betterave...  Et  maintenant  en  vitesse, 
filez-moi  éplucher  vos  sœurs.,  les  patates...  (Il  le  pousse 
vers  la  cuisine.) 

LoRMOis,    sortant    bousculé 
Et  }e  suis  licencié  en  droit  ! 

Pastini 
Allez  I  allez  I  courissez  1  (Sertie  par  le  fond  droite.) 

SCÈNE  XIII 

GOGHU,    MÉLANIE 

Cochu 
Les  femmes  me  donnent  deux  mille  balles  et  le  Cor* 
sico  voudrait  m'acheter  avec  des  cigares  à  deux  ronds, 
ûon,  mais  il  ne  m'a  pas  aregardé  t 


94  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

MÉLANIE,  entrant 
Cochu  I  Enfin,  je  te  retrouve  1 

CocHU,  à  part 
Oh  1    zut,    mon    ancienne    liaison  !    C'est   énervant. 
(Haut.)  Je  vous  prie,  ma  fille,  de  ne  pas  venir  au  quar- 
âer  me  déranger  dans  mes  occupations. 

Mêlante 

Oh  1  la  la,  ce  que  tu  es  devenu  fier  I 

Cochu 

Je  vous  serai  reconnaissant  de  me  «  vouyover  >  à 
'avenir... 

MÉLANIE 

Quoi  ? 

Cochu 
De  me  »  vouyover  »,  de  me  dire  vous... 

MÉLANIE 

Tu  deviens  fou  I  Qu'est-ce  que  je  t'ai  fait  ? 

Cochu 

Vous  ne  m'avez  rien  fait,  mais  nous  ne  sommes  plus 
lu  même  monde. 

MÉLANIE 

Comment  ? 

Cochu,  bafouillant  prétentieux 
Donérivanant...  dorienravant  dorénavant  je  deviens 
an  type  de  la  haute...  Je  fais  un  mariage  d'argent. 

MÉLANIE 

Tu  te  maries  ?...  Avec  une  autre  que  moi  1 

CocHU 
J'épouse  la  sœur  du  oapiston... 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  95 

MÉLANIE 

M"«  Hortense  ?  Tu  es  toqué  I 

CocHU,  majestueux 
EUe  est  folle  de  moi..  Je  lui  ai  accordé  ma    maini 
pour  éviter  qu'elle  fasse  un  malheur... 

MÉLANIE 

Ben  et  moi,  alors,  qu'est-ce  que  je  deviens  dans  la 
combinaison  ? 

COCHU 

Je  vous  offrirai  ma  photographie. 

MÉLANIE 

Ça  me  fera  une  belle  jambe...  maintenant  que  tu  m'as 
ravi  l'honneur. 

CocHU 
T'nez-vous  I 

MÉLANIE 

Tu  n'es  qu'un  saligaud  ! 

GOCHU 

Vous  devez  comprendre,  ma  fille,  que  je  peux  pas 
sacrifier  mon  avenir  à  un  instant  d'égarement  pas- 
sionnel... 

MÉLANIE 

Ah  ben  !  tu  es  un  joli  mufle  ! 

CoCHU 

Je  ne  suis  pas  mufle,  je  suis  un  charmeur,  c'est  même 
rapport  à  ma  joliesse  que  j'épouse  la  sœur  à  Hector. 

MÉLANIE,   furieuse 

C'est  impossible  1  Tu  ne  vas  pas  me  plaquer  comme 
ça,  moi  qui  t'ai  toujours  aimé  malgré  ta  bêtise. 


96  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

CocHU  «:' 

Je  comprends  le  désespoir  que  vous  cause  ma  perte, 
mais  que  voulez-vous  ?  Un  fourneau  nous  sépare... 

Mélanie 

Vu  n'es  qu'un  saligaud  et  un  ingrat. 

CoCHU 

Oh!  n  îjueulez  pas,  ma  fille...  Une  fois  mané  je  vous 
prendra  comme  cuisinière  et  je  vous  ferai  augmenter 
de  dix      anas  par  mois... 

^^ahie,  pleurant  et  lui  mettant  ses  deux  bras  autour 
du   cou 

Je  ne  veux  pas  être  augmenté...  Cochu...  Isidore... 
Je  ne  te  laisserai  pas  épouser  une  autre  femme... 
^ h^lle  cherche  à  embrasser  Cochu.  Le  tapitaine  entre  du 
I    nd.) 

SCÈNE  XIV 

LES  MÊMES,  LE  CAPITAINE 

Le  capitaine,  entrant  et  descendant 
Ohl 

Cochu,   à  part 

Mon  beau-frère  1  Oh  I  c'est  que  énervant  I 

Le  capitaine 
Mélanie  !  ma  bonne  I  Dans  les  bras  de  t  La  Bette- 
rave   ». 

Mélanie,  pleurant 

Je  l'aime,  mon  capitaine. 

Le   capitaine 
Vous  aussi  !  et  vous  lui  avez  prouvé  votre  amour  ? 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  97 

MÉLANIE 

Environ  trois  fois  par  semaine,  mon  capitaine. 

Le   CAPITAINE 

Et  naturellement  ça  se  passait  sous  mon  toit  ? 

COCHU 

Oui,  mon  capitaine,  sous  le  toit,  au  sixième. 
MÉLANIE,    pleurnichant    de    plus    belle 
Il  m'avait  promis  le  mariage... 

CocHU,    au   capitaine 
Ne  faites  pas  attention,  Hector,c'est  une  malheureuse. 

Le  capitaine,  à  Cochu 
Taisez-vous  !  Je  vous  défends  de  m'appeler  Hector. 
(A   Mélanie.)   Quant  à  vous,   Mélanie,   fichez-moi  le 
eamp  à  vos  fourneaux... 

CocHU 
Mais   oui,    voyons   la   domestique,    laissez-neus   en 
famille. 

MÉLANIE,  sortant  par  le  fond,  en  pleurant 
Les  cavaliers  sont  des  cochons  1  Si  j'avais  su,  j'au- 
rais pris  un  pompier. 

Le  CAPITAINE,  à  part 

Oh  1  mais  je  commence  à  en  avoir  asseï  1  (Haut  et 

venant  à  Cochu.)   Me  direz-vous,  bougre  de  saligaud 

oe  que  vous  avez  fait  à  ma  pauvre  sœur  pour  qu'elle 

vsuille  devenir  la  femme  d'un  cosaque  de  votre  espèce  ? 

CocHu 
J'y  ai  tapé  dans  l'œil  tout  simplement. 

Le    CAPITAINE 

..  Vous  lui  avez  tapé  dans  l'œil  ? 


58  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

Gocnu 
C*est  pas  de  ma  faute...  J'ai  du  charme  ! 
Le  capitaine,  marchant  sur  Cochu  et  le  faisant  tourne 
Fichez-moi  le  camp,  ou  je  ne  réponds  plus  de  moi  ! 

Cochu 

Hector,  t'as  tort  1  T'as  tort,  Hector.  (Il  sort  préci 
pitamment.) 

Le  capitaine,  exaspéré,  il  va  pour  se  précipiter  sur 
Cochu   qui  se  sauve. 

Oh  !  il  faut  absolument  que  j'avertisse  ma  sœur  1 
Ce  mariage  est  un  scandale  I  (Il  va  pour  sortir  et  se 
heurte  à  Maître  Pouponet  qui  entre.) 

SCÈNE   XV 

LE    CAPITAINE,    MAITRE    POUPONET, 
puis  YVONNE 

Maître  Pouponet 

Mon  capitaine,  mes  sincères  compliments  pour  le 
superbe  mariage  de  Mademoiselle  votre  sœur... 

j         Le  capitaine,  furieux 

Ecoutez,  notaire,  je  vous  engage  à  ne  pas  vous  (outre 
de  moi,  autrement  je  vous  coupe  les  oreilles... 

Maître    Pouponet,    à   part 

Mais  capitaine... 

Yvonne,  entrant  par  le  fond 

Tiens,  papa,  où  vas-tu  ? 


le  tampon  du  capiston  99 

Le  capitaine 

Où  ça  me  plaît...  (Yvonne  de  peur^  remonte.  A  Pou' 
pone^^  Vous  avez  compris  ?  Les  oreilles  pour  commen" 
car...  (Il  sort  par  le  fond.) 

Yvonne 

Eh  bien,  vrai  !  papa  n'a  pas  l'air  de  bonne  humeur  ' 

Maître    Pouponet 

Vous  pouvez  le  dire,  Mademoiselle.  Le  mariage  de 
M^ie  Hortense  ne  paraît  pas  beauconp  lui  sourire... 

Yvonne 

Pourtant  le  commandant  est  un  excellent  parti... 

Maître  Pouponet 

Oh  !  mais  c'est  changé...  Ce  n'est  plus  le  commandant. 

Yvonne 
Qui  est-ce  donc  ? 

Maître    Pouponet 
Le   cavalier  Lormois. 

Yvonne 
Le  caval...  le  cavalier...  Vous  êtes  sûr  ? 

Maître  Pouponet 
Absolument..  La  nouvelle  sera  bientôt  officielle. .. 
(Yvonne  pousse  un  cri  et  tombe  dhme  pièce  dans  les 
brcLS  de  Pouponet  qui,  surpris,  lâche  son  chapeau  et  sa 
serviette.  Il  porte  Yvonne  sur  le  banc  de  gauche  et  lui  tape 
dans  les  mains.)  Eh  bien  !  eh  bien  I  Mademoiselle 
qu'avez-vous  ? 

Yvonne,  revenant  à  elle 
Rien,    le    saisissement.,    cette    nouvelle    imprévue- 
Merci,  ça  va  mieux. 


100  LE    TAUPON    DU    CAPLSTeW 

Maître    Pouponet 

Je  comprends..  C'est  la  joie  d'apprendre  le  mariage 
de  votre  tante...  Pauvre  petite...  J'adore  faire 
plaisir  aux  gens...  (En  sortant  à  droite  cl  se  frot- 
tant les  mains,  après  avoir  ramassé  son  chapeau  et  ss 
serviette.)  Allons  ça  va,  je  suis  content,  je  riens  encore 
une  foifl  d'arranger  les  choses. 

SCÈNE    XVI 

YVONNE,    COCHU,    puis    LORMOIS 

Yvonne,   seule  et  furieuse 

M.  Lormois  épouse  ma  tante  !  Evidemment  elle  est 
plus  riche  que  moi  !  Le  traître  !  (Se  levant  et  gagnant 
la  gauche.)  Oh  I  mais,  je  me  vengerai...  Je  ne  lui  laisse- 
rai pas  la  satisfaction  de  rompre  de  lui-même...  Je  vais 
me  jeter  à  la  tête  du  premier  venu.,  le  plus  laid,  le  plus 
bête,  que  je  pourrai  trouver,  pour  que  M.  Lormois 
enrage  en  voyant  par  qui  je  le  remplace. 

CocHU,  entrant  du  fond,   apercevant    Yvonne 

Oh  !    ma    nièce  !  Bonjour,   petite  I 

Yvonne,  à  part 

Cochu,  voilà  mon  affaire...  (Allant  à  lui,  haut.) 
Bonjour,  Cochu..  C'est  justement  vous  que  je  venais 
voir... 

Cochu 
Moi  I 

Yvonne 

Depuis  que  vou»  avez  quitté  notre  service,  j'ai  dé- 
!  ouvert  une  chose  surprenante. 


LE    TAMPON    DU    CAPIST9N  101 

COCHU 

La  clef  du  champ  de  manœuvre  ? 

Yvonne 
Non,  Cochu...  J'ai  découvert  que  j'ai  été  amoure«i« 
de  vous. 

Cochu 
Vous  aussi...   (à  part.)  Encore  une  I 

Yvonne 
J'étais  fiancée  avec  M.  Lormois,  mais  je  vais  romprt 
ce  mariage. 

CocHW,    paternel 
Voyons,  voyons,  mon  petit...  Il  ne  faut  pas  yohs 
emballer   comme    ça... 

Yvonne 
Vous  méprisez  mon  amour  ? 

Cochu 
Non,  je  ne  la  méprise  pas...  Seulement  je  rais  vom» 
dire  :  aujourd'hui  je  refuse  du  monde... 

Yvonne 
Ça  m'est  égal... 

Cochu 
Après  tout,   elle  est  plus  jeune   que  l'autre... 
(Paraît  Lormois  de  droite  cuisine.  Il  est  en  marmiton^ 
treillis,   bourgeron  et  bonnet  noirs  de  crasse.) 

Lormois 
On  étouffe  dans  cette  cuisine  1 

Yvonne 
Monsieur  Lormois  I  Vous  tombez  bien...   (A  pari.) 
Dieu  qu'il  est  laid  I  (Haut.)  Je  suis  heureuse  de  vous 
annoncer  mon  mariage  avec  M.  Cochu. 


/" 


102  LE    TAMPON     L'U    CAPISTON 

LORMOIS 

Comment...   Vous,  Mademoiselle...  vous  épousez   la 
Betterave  ? 

COCHU 

Oui,  mon  petit,  moi,  la  Betlorave,  on  se  dispute  me» 
épluchures... 

Yvonne 
Dans  trois  semaines,  Cochu,  je  serai  votre  femme... 

CoCHU 

Ça  colle...  (A  part.)  Je  vas  monter  un  sérail... 

LORMOIS 

Je  devions  fou  ! 

Cochu 
Te  bile  pas...  le  cuisinier...  Je  te  refilerai  Mélanie... 

Yvonne,    à    Cochu 
Pour  sceller  notre  accord,  je  vous  autorise  à  m'em- 
brasse r  ! 

LoRMOis,  remontant  au  fond 
Oh  1  ça  I 

Cochu 
Avec  plaisir...    (S^ essuyant  la   bouche.)   A  la   tienne 
Lormois    ...  (Il  embrasse  Yvonne.  Le  capitaine  et  Hor- 
iense  paraissent   au   fond.) 

SCÈNE  XVII 

Les    MÊMES,    LE    CAPITAINE,    HORTENSE, 

MÉLANIE,    PASTINI    ,BRIFFOTEAU, 

MICHONDARD 

Le   capitaine,   au  fond 
Nom  de   Dieu  ! 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  1Û3 

HORTENSE 

Yvonne. 

GocHU,  gagnant  la  droite,  Yvonne  la  gauche 

Zut  !  Voilà  mes  anciennes  femmes  I 

Le   capitaine,   descendant  vers    Yvonne 

Ma  fille  !  C'est  ma  fille,  à  présent,  qui  se  laisse  em- 
brasser par  ce  cochon-là  I 

COCHU 

C'est  pas  moi  ;  c'est  elle  qui  me  l'a  demandé...  papa... 

HoRTENSE,   à    Yvonne 
Je  ne  me  laisserai  pas  voler  mon  fiancé  I 

Mélanie,    entrant 
Vous  m'avez  bien  volé  le  mien  I... 

Le   capitaine,  furieux 

Taisez-vous  toutes  !  (A  Cochu.)  Enfin,  espèce  de 
crapule,  vous  avez  donc  juré  de  déshonorer  toute  ma 
maison  ?  Après  ma  bonne,  ma  sœur,  après  ma  sœur, 
ma  fille  !  A  qui  vous  arrêterez-vous  donc,  bon  Dieu  ? 
A  qui  ? 

Cocnu 

A  vous,  mon  capitaine  ! 

(Le  capitaine  se  précipite  sur  lui,  Hortense  et  Yvonne 
le  retiennent.  Briffoteau,  Mickondard  et  Pastini  se  tor- 
dent  au  fond.) 

RIDEAU 


ACTE  III 


Même  décor  quau  premier  acte. 

SCÈNE  I 

MÉLANIE,  BRIFFOTEAU 

Au    leçer  du  rideau,  Mélanie  met  Briffotcau  au  Mu- 
rant du  service. 

Mélanie 

Alors  c'est  vous  qui  êtes    la    nouvelle  ordonnanet» 
du  capitaine  ? 

Briffoteau 

Oui,  Mademoiselle  Mélanie  ;  ma  promotion  data  «It 
ce    matin. 

MÉLANIE 

Comment  vous  appelez-vous  ? 
Briffoteau 
BrifToteau...  César  pour  les  dames. 

MÉLANIE 

Eh  bien  !  César,  je  vais  vous  mettre  au  courant  d« 
service...   Ici,  c'est  le  salon. 

Briffoteau 

C'est    une    belle   carrée. 


Ll    TAMPON    DU    CAPISTON  105 

MÉLANIE 

Ici,  c'est  la  chambre  du  capitaine,  là,  la  chambre  de 
Mlle  Yvonne  et  de  M"®  Hortense  ;  là,  le  boudoip. 

Briffoteau 
Un  endroit  où  qu'elles  vont  bouder  ? 

MÉLANIE 

Mais  non,  voyons,  un  boudoir,  c'est  pas  pour  bouder  ; 
c'est  pour  se  reposer. 

Briffoteau 
Alors,  c'e«t  un  reposoir. 

MÉLANIE,   riant 
Loustic,  va  I...  (Elle  cesse  brusquement  de  rire  et  pousse 
un   gros  soupir.)   Ah  !... 

Briffoteau 
Qu'avez-vous  ? 

MÉLANIE 

Excusez-moi,  înais  chaque  fois  que  j'entends  une  bê- 
tise, ça  me  rappelle  un  idiot  qui  m'a  déchiré  le  cœur. 

Briffoteau 
Il   est   décédé,   l'idiot  ? 

MÉLANIE 

Ah  !  si  ce  n'était  que  ça  !...  Mais,  il  m'a  plaquée... 

Briffoteau 
C'est  affreux  j 

MÉLANIE 

Pour  épouser  la  sœur  de  son  patron... 

Briffoteau 
La  sœur  de...  Mais  alors,  c'est  mon  prédécesseur, 
c'est   Cochu. 


106  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

MÉLANIE 

Oui,  c  est  lui...  C'est  ce  cochon  de  Cochu  I 

Briffoteau 
C'est  ce  Cochu  de  cochon  !  Alors,  vrai,  c'est  pas  des 
bobards  ?  Ça  va  se  faire,  ce  mariago-là  ? 

MÉLANIE 

On  commence  aujourd'hui  la  publication  dos  bans. 

Briffoteau 
C'est  donc  ça  que  Cochu  a  quitté  la  caserne  avant - 
hier... 

MÉLANIE 

Il  a  obtenu  un  congé  libérable  et,  depuis  qu'il  est  ci- 
vil, il  loge  chez  nous...  dans  la  chambre  d'ami...  si  c'est 
pas  une  pitié... 

Briffoteau 

Et  le  capiston,  qu'est-ce  qu'il  dit  de  ça  ? 

MÉLANIE 

Lui  ?  Il  ne  décolère  pas  de  la  journée... 

Briffoteau 
Et  voilà  pourquoi  ça  barde  tant  à  l'escadron  !... 

MÉLANIE 

11  y  a  de  quoi  être  mécontent...  Jusqu'à  sa  fille  qui 
s'était   toquée  de  Cochu  !... 

Briffoteau 
Je  sais  même  qu'elle  l'a  embrassé.... 

MÉLANIE 

Oui,  mais  celle-là,  au  moins,  ça  lui  a  passé  vite...  Elle 
ne  regarde  même  plus  Cochu...  Alors,  lui,  il  est  tout  à 
•on  llortense  et  il  méprise  mes  soupirs  I 


le  tampon  du   capiston  107 

Briffoteau 
Des  soupirs  si  appétissants,  l'ingrat  1 

MÉLANIE 

C'est  de  ma  faute,  aussi  !  Je  l'ai  trop  gâté  I  Ptftdant 
qu'il  se  vautrait  dans  les  fauteuils,  moi,  je  lui  faisais 
son  ouvrage.  Je  balayais,  je  frottais,  j'astiquais. 

Briffoteau 
Ah  I  c'est  vous  qui  turbiniez.  Ça  tombe  bien,  moi,  je 
ne  suis  pas  très  courageux. 

MÉLANIE 

Oh  !  mais  maintenant,  c'est  bien  fini.  Ils  vont  barder, 
les  ordonnances.  Pour  commencer,  cet  après-midi, 
vous  astiquerez  les  cuivres  et  vous  battrez  le  grand 
tapis. 

Briffoteau 

Ah  I  je  battrai  les  cuivres  et  j'astiquerai  le  grand 
tapis  !...  Bon,  bie.n...  ça  m'est  égal  !...  Vous  êtes  cruelle. 
Je  ne  m'attendais  pas  à  ça.  Cocliu  m'avait  tant  dit 
que  vous  étiez  une  crème... 

MÉLANIE,  radoucie 
Ah  !  Il  vous  a  dit  ça,  Gochu  ? 

Briffoteau 
Oui.  Et  que  vous  n'étiez  pas  fière  et  bien  obligeante... 

MÉLANIE 

Ah  !  11  vous  a  dit  ça  aussi  ? 
Briffoteau 
Et  que  vous  aviez  un  cœur  de  brioche. 
MÉLANIE,    éclatant  en  sanglots  et  tombant  assise  sur  le 

canapé. 
C'est  vrai,  que  mon  cœur  c'est  de  la  brioclie. 


tôt  LB    TAMPON    BU    CAfîSTON 

Briffoteau 
Alors,  ne  pleurez  pas  comme  une  madeleine... 

MÉLANIB 

J'ai  trop  de  chagrin  ! 

Briffoteau,  Vemhrasse  dans  le  cou 
J'essaierai  de  vous  consoler. 

MÉLANIB 

Vous  êtes  gentil. 

Briffoteau 

Oui,  je  suis  très  gentil.  Alors,  dites...  C'est  vous  qui 
astiquerez  les  cuivres  ?... 
(Il  V embrasse  dans  le  cou.) 

MÉLANIE 

Je  veux  bien. 

Briffoteaw 

Mouchez-vous,   voyons. 

MÉLANIB 

Je  n'ai  pas  de  mouchoir. 

Briffoteau    la    mouchant 
Soufflez  I  On  ira  tous  les  deux,  dimanche,  se  promener 
le  long  du  canal... 

MÉLANIE 

Vous  avez  du  cœur,  vous  ! 

Briffoteau 
Beaucoup...  alors...  pendant  que  vous  y  serei,  tohs 
btttrez  le  grand  tapis,  hein  ? 
(Il    V embrasse    dans    le    cou.) 

MÉLANIE 

Si    vous   voulez,   César  1 


le  tampon  du  capiston  109 

Briffoteau 
Ah  I  Mêlante,  je  sens  que  la  place  va  me  plaire. 

SCÈNE  II 

HORTENSE,  MÉLANIE,  BRIFFOTEAU 

HoRTENSE,  paraissant  de  gauche 
Qu'est-ce  que  vous  faites  là,  tous  les  deux  ? 

MÉLANIE 

Je  pleure,  Mademoiselle. 

Briffoteau 
Et  moi,  je  l'aide. 

Hortense,    à    Mélanie 
Qu'est-ce  que  vous  avez  ? 

MÉLANIE 

J'ai,  mademoiselle,  que  j'ai  été  volée... 

Hortense 

Pas  possible  !  Que  vous  a-t-on  pris  ? 

MÉLANIE,   la  regardant   -fixement 

Un  homme,  mademoiselle... 

Hortense 
Un  homme  ? 

MÉLANIE,  même  jeu 

Une  monstruosité  d'homme...  qui  s'est  laissé  voler.. 

HORTBNSE 

Permettez  !... 


110  LE    TAMPON    DU     CAPISTON 

MÉ.LANIE 

Mais  il  sera  puni,  Mademoiselle!  Et,  en  fin  de  compte, 
c'est  peut-être  lui  qui  sera  volé  I... 

HORTENSE 

Vous  êtes  une  insolente  et  je  vous  prie  de  m'épargner 
VOS  confidences  indécentes.  Vous  parlez  à  une  jeune  fille. 

MÉLANIE,   pour  Brifjoteau 
Pauv'  mignonne  I 

HORTENSE 

Vous  dites  ? 

MÉLANIE 

Rien,  mademoiselle... 

HORTENSE 

Allez  nous  préparer  le  thé  pour  cinq  heures...  j'at- 
tends   mon    fiancé... 

MÉLANIE,   à  part  en  sortant 

Son  fiancé  I  Cochon  de  Cochu  I 

Briffoteau 
Cochu  de  cochon  ! 

HORTENSE 

Alors,  Briffoteau,  Mûlanio  vous  a  mis  au  courant  ? 

Briffoteau 
Oui,    Mademoiselle...    Je   ferai   tout   ce   que   faisait 
Cochu  1 

Hortense 
Dites  donc,  mon  garçon,  vous  pourriez  dire  «  Monsieur 
Cochu  ». 

Briffoteau,  riant 
Mais  on  se  tutuèye,  Mademoiselle,  je  vas  pas  y  dire 
Mossieur  I 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  111 

HORTENSE 

Je  VOUS  en  prie,  au  contraire. 

Briffoteau 

Mais  Mademoiselle,  on  s'a  soûlé   ensemble  plus  d« 
vingt  fois,  je  vas  pas  y  dire  «  Mossieur  »,  voyons  I 

HoRTENSE,    impérative 

Vous  le  lui  direz,  ou  je  vous  fiche  à  la  porte. 

Briffoteau 

Bien,    Mademoiselle. 
(On  sonne.) 

HORTE>;SB 

Voyez  qui  a  sonné  I 
(Briffoteau   sort.) 

HoRTENSE,    seule 

Encore   un   rustre...    Quand   j'aurai    nos    trois   mil- 
lions,  j'engagerai   un   valet   de   pied... 

Briffoteau,   reparaissant 
Mademoiselle... 

Hortense 

Eh  bien  !  qu'est-ce  ? 

Briffoteau 
Mademoiselle,  c'est...  c'est...  (Il  pouffe.) 

Hortense 
Qu'est-ce  qui  vous  prend  ? 

Briffoteau 
C'est...  c'est...  (Il  pouffe.) 

Hortense 
Non,  mais,   vous  êtes  malade  ? 


112  LE    TAMPON    DU    CAPISTOlf 

Briffoteau 
C'est  Monsieur...   (Il  pouffe.) 

HORTENSB 

Oh  i  c'est  trop  fort  1 

Briffoteau 
C'est...  Monsieur...  Co...  Co...  chu... 

HORTENSE 

Imbécile  !...   {A  Cochai  dans  V antichambre.)  Entrez, 
mon  cher  ami,  entrez  ! 

Briffoteau,    sortant 
J'en  ai  mouillé  mes  basanes  !  (Il  sort.) 

SCÈNE    III 

COCHU,    HORTENSE,   puis   LE   CAPITAINE 

CocHU,  entrant.  Il  est  complètement  rasé  ce  qui  doit 
modifier  complètement  son  aspect.  Il  est  sanglé  dans 
un  veston  dernier  cri  et  porte  un  pantalon  voyant. 
Cravate  excentrique,  chapeau  melon.  Il  a  conservé  ses 
gros  brodequins  de  soldat. 
Bonjour,  ma  petite  fiancée  ! 

Hortense 
Bonjour,  très  cher  I 

CocHU 
On  se  bise  ? 

HoRTENSB 

On  ne  bise  pas,  Isidore,  on  cmbrajise..; 

CoCHU 

Comme  vous  voudrez  !... 

(Il  Vembrasse  sur  la  joue  bruyamment.) 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  113 

HoRTENSE,   se  dégageant 
Et  puis,  on  ne  fait  pas  de  bruit,  en  embrassant... 

COCHU 

Moi,  plus  que  j'aime  et  plus  que  ça  claque  I... 

^^  HoRTENSE 

Il  ne  faut  pas  que  ça  claque  I 

CoCHU 

On  ne  claquera  plus  !...  Tenez...  v'Ià  un  bouquet  !..; 

(Il  lui  donne  un  bouquet  qu'il  tenait  caché  derrière  son 

dos  et  qui  est  enveloppé  de  papier  jaune  de  boucher.) 

HORTENSE 

Charmante  attention  !...  Mais  il  faut  dire  :  «  Je  vous 
ai  apporté  quelques  fleurs  »... 

CocHU,   répétant 
Je  vous  ai  apporté  quelques  fleurs...  Tout  ce  qu'il  y 
a  de  plus  poétique  et  de  printanier...des  vesses-de-loup, 
garnies  de  gratte-culs... 

HoRTENSE,   prenant  le  bouquet 

Or  dit  «  du  feuillage  vert  et  de  l'églantier  •  1...  Mais, 
quel  horrible  papier  1...  Il  n'y  avait  pas  mieux  que  ça, 
chez  le  fleuriste  ? 

CoCHU 

Si,  seulement,  ce  fi'ou-là  voulait  me  compter  mon 
bouquet  quatre  francs...  j'y  ai  dit  :  «  J'veux  pas  mettre 
plus  de  trois  francs  et  dix  sous.  —  Vous  aurez  pas  d« 
papier,  qu'il  me  dit  !...  —  Votre  papier,  que  j'y  répondf, 
TOUS  pouvez  vous  le  mettre  quelque  part  !  »... 

HORTENSE 

Fi  !...    Isidore  !,..   Voyons  i... 


114  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

^  Cocnu,     Za    regardant 

Oui  I...  C*esl  vrai  !...  C'est  du  papier  trop  dur...  Mais, 
TOUS  savez,  quand  on  est  fâché,  on  rénéchit  pas... 
J'ai  donc  pris  le  bouquet,  j'ai  t'été  chez  le  boucher  en 
face  où  je  connais  un  garçon  qui  m'a  donné  son  plus 
beau  papier  à  gigot...  Vous  m'embrassez  pas  pour  la 
peine  ? 

HORTENSE 

Non.,  non...  on  n'embrasse  pas  comme  ça  tout  le 
temps  sa  fiancée...  Un  homme  du  monde,  car  vous  en 
êtes  un  maintenant,  doit  montrer  plus  de  réserve. 

Cocjiu 

C'est  que  je  suis  encore  de  l'active  I 

HORTENSE 

D'abord,  quand  on  entre  dans  un  s^^lon  où  il  y  a 
une  dame,  on  enlève  son  chapeau. 

COCHU 

J'enlèverai  tout  ce  que  vous  voudrez...  (Il  ôte  son 
chapeau,  il  a  les  cheveux  pommadés  et  bien  séparés 
par    une    raie.) 

HORTENSE 

On  prend  la  main  de  la  dame,  et  on  la  baise. 

CocHu 
S'il  vous   plaît  ? 

HORTENSE 

On  lui  baise  la  main... 

GOCHU 

Ah  !   bon  !... 

(îl  lui   baise  la   main.) 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  115 

HORTENSE 

Et  l'on  fait  de  même  pour  toute  personne  distinguée 
à  qui  l'on  vous  présente... 

COCHU 

On  s'en  rappellera... 

HoRTENSE,  rectifiant 

On  dit  :  «  On  s'en  souviendra  »...  et  maintenant,  mar" 
chez  un  peu  que  je  voie  comment  le  tailleur  de  mon 
frère  vous  a  habillé. 

CoCHU,  obéissant 
Zyeutez-moi  ça,  si  je  jette  un  jus... 

HORTENSE 

Votre  faux-col  est  trop  bas  ! 

GOCHU 

J'ai  horreur  des  faux-cols-z-hauti, 

HORTENSB 

Ne  faites  pas  la  liaison. 

CocHU 
Quelle  liaison  ? 

HORTENSE 

Dites  :  «  Des  fauxcols...  hauts.  • 
CocGU,    très    vite 
Des     fauxcols  hauts... 

HORTENSE 

Encore  un  détail  fâcheux  :  vous  avez  mis  votre  cra- 
vate en  lavallière  et  c'est  une  régate...  je  vaii  votts 
arranger    ça... 

Œlle  lui  arrange  sa  cravate.) 


116  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

COCHU 

Merci,   mon    Hortense  I... 

HORTENSE 

Mais  ne  vous  tortillez  pas,  voyons  \ 

CocHU,  riant 
Vous  me  chatouillez  la  pomme  d'Adam... 
(Paraît  U  capitaine  à  gauche.) 

Le  capitaine 

Qu'est-ce  que  c'est  que  ça  ? 

Cociru 

Ça,  c'est  moi...  Bonjour,  beau-frère... 

Le  capitaine,  bourru 

Déjà  vous  !...  Bonjour  !...  (A  Hortense.)  Qu'est-c« 
que  c'est  que  cette  facture  de  mon  tailleur  à  ton  nom  ? 
Deux  cent  dix  francs  pour  un  complet  civii... 

Hortense 
C'est  la  note  de  ce  complet  que  je  viens  d'offrir  à 
Cochu... 

Le  capitaine 

Ah  I  bon  1...  Tu  i'habilles,  maintenant  ? 

Cochu 
Je  ne  peux  pas  aller  tout  nu,  Hector  I 

Le  capitaine 
Je  vous  ai  déjà  défendu  de  m'appeler  Hector  I 

CoGiSV,  à  Hortense 
Il  s'est  encore  levé  du  mauvais  côté  1 

Le  capitaine,  à  Hortense  -i 

Ah  I  il  est  eentil,  en  civil,  ton  flanc*.  Il  a  de  Talluro  I 


LE    TAMPON    ©U    CAPISTON  117 

COCHU 

Merci,  beau-frère  I... 

Le  capitaine,  à  Hortense 

V  Grâce  au  ciel,  le  commandant  ne  pourra  pas  assister 
à  ce  mariage  insensé... 

Hortense 

Et  pourquoi  n'y  assistera-t-il  pas  ? 

Le  capitaine 

Parce  qu'il  s'en  va  demain...  Il  vient  d'être  nommé 
lieutenant-colonel... 

Hortense 
Lieutenant-colonel  I... 

Le  capitaine 
Si  tu  n'étais  pas  Madame  Cochu,  tu  aurais  été  la 
colonelle... 

Hortense 
Je  n'ai  pas  d'ambition. 

Go  chu 
On  n'a  pas  d'ambition. 

Le  capitaine 
Ah  !    fichtre    non  1...    (Toisant    Cochu.)    Un    singe 
habillé...   (A  Hortense.)  Si  le  colonel  l'avait  vu,  j'en 
aurais  pincé  la  jaunisse...  (Il  sort  bruyamment.) 

Cociiu,    vexé 
Un  singe  habillé  !...  Hector  n'est  pas  gracieux. 

Hortense 
Bah  1  Vous  finirez  bien  par  faire  sa  conquête. 

Cocnu  croisant  les  jambes 
Je  le  crois...  parce  que  j'ai  du  charme... 


118  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

HoRTENSE,    apercevant  Us  brodequins    à  clous  de 
Cochu 

Gh  !  mais,  qu'est-ce  que  vous  avez  aux  pieds  ? 

Cociiu 
Mes  brodequins  ! 

HORTENSE 

Oh  I  mon  ami,  quelle  faute  de  goût  I  De  telles  chaus- 
sures avec  un  complet  aussi  élégant  !... 

CoCHU 

C'est  que  j'ai  des  oignons... 

HORTENSE 

On  ne  dit  pas  «  oignon  »,  on  dit  :  «  excroissance  ». 

CocHU  , 

Si   vous   voulez... 

HORTENSE 

Et  puis,  VOUS  allez  me  quitter  ça..  Je  vais  vous  donner 
des  bottines  à  Hector...  (Appelant  à  la  cantonade.) 
Mélanie  ! 

MÉLANIE,  entrant  du  fond 

MademoiseUe  ? 

HORTENSB 

Savez-vous  où  nous  avons  rangé  la  paire  d^  bottine^ 
vernies,  que  le  capitaine  avait  mises  à  la  première  com- 
munion de  M"«  Yvonne  ? 

MÉLANIE 

Oui,  c'est  dans  l'armoire  normande...  Faut-il  aller 
les  chercher  ? 

HoRTENSE 

Non,  j*y  vais  moi-même...  et  pour  le  dîner,  n'est-ce 
pas,  un  civet  de  lapin...  M.  Isidore  l'aime  beaucoup... 


LE    TAMPON    DU    CAPI8T0N  119 

GOCHU 

Isidore    Tadore... 

MÉLANIE,   entre  ses   dents 
Cochon  de  Gochu  !... 

GocHU,  à  Mélanie 
Et  surtout,  dans  le  civet,  n'oubliez  pas  les  excrois- 
sances... 

MÉLANIE 

Quoi  ? 

COCHU 

Les  excroissances.  (A  Hortense.)  Ces  légumes  qui  font 
pleurer,  quand  on  les  pèle... 

Hortense 

Ah  !..  Dans  ce  cas-là,  on  dit  des  «  oignons  ». 

CocHU 
Pourquoi  ? 

Hortense 

Je  vous  expliquerai.  Je  vais  chercher  vos  bottines... 
(En  sortant.)  Oh  !  j'aurai  du  mal  à  en  faire  un  homme 
du  monde. 

SCÈNE    IV 

MÉLANIE,    COCHU,    puis    BRIFFOTEAU 

Coehu  va  prendre  un  cigare  dans  le  tiroir  de  la  table 
et  cherche  du  jeu. 

CocHU,  s'asseyant  dans   un  canapé 
Passe-moi  donc  les  allumettes,  Mélanie,  je  vous  prie, 

MÉLANIE,   très   cérémonieuse 
Voilà  les  allumettes  de  Monsieur. 


120  LE    TAMPON    DU    CAPISTOff 

GOCHU 

Merci. 

MÉLANiE,  même  jeu 

Et  puis,  voilà  un  cendrier,  pour  que  Monsieur  ne  jette 
pas  les  cendres  de  Monsieur  sur  le  tapis  de  Monsieur... 

CocHU,    étonné 
Oh  !  ça  va  bien..  Quand  on  n'est  rien  que  nous  deux, 
tu  peux  remiser  des  «  Monsieur  »  ! 

MÉLANIE,  glaciale 
Je  serai  reconnaissante  à  Monsieur  de  me  vouvoyer 
désormais. 

CocHU 
Alors,  quoi  ?  Tu  me  gardes  rancune  ? 

MÉLANIE 

Un  fourneau  nous  sépare  :  M^'®  Hortense. 

CoCHU 

Tu  es  jalouse,  je  comprends  ça...  (Il  se  lève  et  va  à 
elle.)  Mais  au  fond,  tu  sais,  c'est  encore  toi  que  j'aime 
le  mieux  I 

MÉLANIE 

11  est  temps  que  Monsieur  s'en  aperçoive  I... 

CoCHU 

Mais,  tu  comprends,  un  msriage  pareil,  la  fortune... 
le  lusque..  regarde  comment  je  suis  fringué  ! 

MÉLANIE 

Ça  a  un  nom,  les  hommes  qui  se  font  entretenir  par 
les   femmes  ! 

CocHU 

Oui,  mais  quand  ils  les  épousent,  ça  s'appelle  des 
maris. 


LB    TAMPON    DU    CAPISTON  121 

MÉLANIE 

C'est  du  propre  ! 

COCHU 

Voyons,  te  fais  pas  de  mousse...  Quand  je  serai  marié, 
je  te  prendrai  comme  bonne  amie... 

MÉLANIE 

Par  exemple  ! 

CoCHU 

Les  hommes  du  monde  dorment  souvent  avec  leur 
bonn«.  C'est  très  bien  porté... 

MÉLANIE 

Je  remercie  Monsieur,  mais  pour  ça   j'attends  pas 
après  Monsieur. 

CoCHU 

Tu  n'attends  pas?...  Est-ce  que,  par  hasard,  tu  m'au- 
rais remplacé  ? 

MÉLANIE 

Pas  encore,  mais  ça  va  se  faire  1 

CocHu 

Mais  je  te  le  défends...   Par  exemple  I  Arec  qui, 
d'abord  ?...  Avec  qui  ? 

Briffoteau,  entrant 
Où  mettez-vous  les  torchons.  Mademoiselle  Mélanie  ? 

CocHU 
Briffoteau  1 

Briffoteau 

Ah  !   Cochu...   Monsieur...   Monsieur...    (Il  pouffe.) 

CoCHU 

Pourquoi  que  tu  ris,  pochetée  ? 


122  le  tamton  du  capiston 

Briffoteau 
Ah  1  vingt  dieux!  Ce  que  t'es  crevant  en  pékini 

COCHU 

Qu'est-ce  que  j*ai  de  crevant  ? 

Briffoteau 
Ce  que  ça  te  va  mal,  les  frusques  civiles  ! 

CoCHU 

Comment  ça  me  va  mal  ? 

Briffoteau 
T'as  l'air  du  marié  des  jeux  de  massacre. 

CocHU,    dédaigneux 
Paysan,   va  1... 

MÊLA  NIE,  tendrement 

Je  suis  de  votre  avis,  César...  je  préfère  la  tenue 
militaire. 

Briffoteau,  niéme  jeu 

Vous  avez  du  goût,  Mélanie. 

CocHU,    saisi. 

César...  Mélanie...  Est-ce  que  par  hasard,  tous  le« 
deux... 

Briffoteau 

Mais  bien  sûr,  on  est  en  plein  gringue... 

CoCHU 

Oh  1 

Briffoteau 

C'est-y  pas  toi  qui  me  l'as  recommandée  f... 

CocHU 
Moi  ? 


le  tampon  du  capiston  126 

Briffoteau 

Quand  elle  était  ta  bonne  amie,  tu  m'as  dit  :  «  Mé- 
lanie,  elle  a  l'air  de  rien,  comme  ça  au  rez-de-chaussée, 
mais  au  sixième.,  l'essayer,  c'est  l'adopter...  » 

COCHU 

J'ai  pas  dit  ça  pour  que  tu  l'essayes  I 

MÉLANIE 

Monsieur   est    égoïste  !... 

Briffoteau 
Et  comment  I 

MÉLANIE 

Vous  me  plaisez,  César...  Voulez-vous  un  petit  verre 
ie   raide  ? 

Briffoteau 
C'est  pas  de  refus  I 

MÉLANIE,  allant  vers  le  placard 
La  clef  est  justement  sur  le  placard  aux  liqueurs... 

Briffoteau 
Il  y  a-t-il  de  Varmoniac  ? 

Briffoteau 

Y  en  a  cent  vingt  bouteilles...  (A  Cochu.)  Et  si  Mon- 
sieur nous  autorise  ? 

Cochu 
Oui,  ça,  je  tous  autorise... 

( Mélanie  prend  une  bouteille  dans  le  placardf  au  pre- 
mier  plan  gauche.) 

Briffoteau 
Tu  vas  trinquer  avec  nous  ? 


tf4  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

COCHU 

Ça  aussi,  je  veux  bien...  (Pendant  que  Mélanie  rem- 
plit les  trois  verres.)  Je  consens  à  te  payer  à  boire  avec 
l'ormoniac  d'Hector,  mais  je  te  prie  de  respecter  ma 
bonne... 

MÉLANIE,  trinquant 

A  la  santé  de  Monsieur...  (A  Briffoteau.)  A  toi,  César, 
à  nos  amours  I 

CocHU,   furieux 
Mélanie  I... 

SCÈNE  V 

LES  MÊMES,  HORTENSE 

HoRTENSE,    entrant,   scandalisée 
Comment  ?  Vous  trinquez  avec  vos  domestiques  ? 

CoCHU 

Je  faisais  goûter  à  Briffoteau  Vormoniac    d'Hector, 

HORTENSE 

C'est  une  erreur,  mon  ami.  Vous  êtes  trop  bon  avec 
CCS  Rons-là.  (A  Mélanie  et  à  Brijjeteau.)  Retournez 
tous  les  deux  à  votre  cuisine... 

MÉLANIE 

Venez,   CésaT... 
(Ils   sortent.) 

HoRTENSE,  à  Cochu 

Mon  cher  Isidore,  vous  ne  savez  pas  du  tout  vous 
tenir  avec  la  valetaille  I  On  ne  bavarde  pas  avec  le^ 
larbins.  On  leur  jette  des  ordres  et  ils  doivent  les  ramas- 
•er    respectueusement. 


j 


LE    TAMPON    BU    CAP1ST0:V  12! 

COCHU 

Bien,  Hor^ense. 

HORTENSE 

r 

Il  faut  lei  r  parier  d'un  ton  sec  et  autoritaire. 

COCHV 

Comme  vous  me  pariiez  quand  j'étais  à  votre  ser- 
Yice  ? 

HORTENSE 

Oui...  (Se  reprenant.)  C'est-à-dire.,  oublions  le  passé. 

CocHU 

Vous  en  faites  pas...  J'ai  compris  la  manœuvre... 
Vous  allez  voir.  (Appelant  à  la  cantonade.)  Brifïoteau  ! 

Briffoteau,  entrant 
Voilà  ! 

CoCHU 

Vous  pourriez  dire  :  «Voilà  Monsieur,  espèce  d'abruti! 

Briffoteau,    ahuri 

Voilà,  Monsieur  ! 

CocHu 

Avancez-moi  un  fauteuil  que  je  m'assoye,  crétin  I 

Briffoteau,  pétrifié 
Voilà,  Monsieur  ! 

CoCHU 

Ah  bien  î  qu'est-ce  que  vous  faites-là  ?  Andouille, 
âne  bâté  ?  Je  vous  ai  jeté  un  ordre,  ramassez-le  ! 

(Brijfoteau   regarde   par   terre.) 

Oh  1  il  cherche  par  terre!...  Quels  idiots  que  ces  or- 
donnances !  Tenez,  allez-vous  en,  tête  de  pipe,  face  de 
bourrique  !  (A  part.)  Ah  !  tu  veux  me  chiper  Mé- 
laaie  !... 


126  lb  tampon  du  capiston 

Bripfoteau 
Bien,  Monsieur...  (A  part.)  Il  est  complètement  mar- 
teau. 

(Il  sort.) 

GocHU,    à   Hortense 

Eh  bien  !  vous  avez  vu,  jo  suis  t'y  un  homme  du 
monde,  quand  je  m'y  mets  ! 

Hortense 
Trop  de  violence  !...  Enfin,  il  y  a  un  progrès... 

COCHU 

Merci,  très  chère  !... 
(Il   lui    baise   la    main.) 

Hortense 

Maintenant,  venez  mettre  vos  bottines. 
(Elle  sort.) 

CoCHU 

Je  vous  suis,  très  chère. 

(Il  s''arrête,  regardant  entrer  Lormois.) 

SCÈNE   VI 
COCHU,    LORMOIS,   BRIFFOTEAU 

Brippoteau,  faisant  passer  Lormois 

Entre  là  mon  vieux  Lormois,  je  vais  prévenir  le  capi- 
taine I 

CocHU 
Tiens,   Lormois  ! 

Lormois,   le   regardant 
Monsieur,  je  n'ai  pas  l'honneur... 


LE    TAMPON    DU    CAPISTOW  127 

COCHU 

Tu  ne  me  reconnais  pas  ?...  Cochu... 

LORMOIS 

Cochu  I...  En  civil  I 

Cochu 

Avec  un  bon  petit  congé  libérable,  mon  gros,  et  du 
linge.... 

LORMOIS 

Ah  I  mais,   qu'est-ce   que  vous  fabriquez   ici  ? 

Cochu 

On  te  l'apprendra  bientôt  dans  la  maison,  mon  cher.. 
(A  Brijjoteau.)  Ordonnance,  vous  préviendrez  le  capi- 
taine que  M  Lormois  sollicite  une  audition... 

LoRMOis,  souriant 

Une  audience  !... 

Cochu 

Si  tu  veux...  (A  Brifjoteau.)  C'est  compris,  tête  de 
lard  ?  (A  Lormois.)  Je  te  demande  pardon  de  te  quit- 
ter, je  vais  rejoindre  ma  fiancée  !  Veux-tu  un  cigare  ? 

Lormois 
Merci  1 

Cochu 

Ça  tombe  bien  !  je  n*en  ai  justement  pas  !  (Avec  un 
geste  protecteur.)  A  tout  à  l'heure,  mon  petit  ami,  à 
tout  à  l'heure  ! 

(Il  sort  en  se  dandinant.) 


128  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

SCÈNE  VII 

LORMOIS,  YVONNE,  puis  COCHU 

Briffoteau,  à  Lormois 

Hein,  Lormois,  que  dis-tu  de  ça  ?...  La  betterave  est 
deTemie  une  grosse  légume.  La  voilà  de  la  famille, 
à  c't'heure.  Je  vais  t'annoncer  au  capiston. 

(Il  rentre  à  droite,  dans  le  bureau  du  capitaine.) 

Lormois,   seul 
De  la  famille...  Mais  alors,  Yvonne  a  mis  sa  menace  à 
exécution.  Elle  épouse  Cochu...  !  Ah  I  c'est  incroyable  ) 

Yvonne,  entrant 
Tiens,    monsieur   Lormois. 

Lormois,  pincé 
Mademoiselle  ! 

Yvonne 
Vous  allez  bien  ? 

Lormois 
Assez  mal,  merci. 

Yvonne 
Voilà  quatre  jours  que  je  ne  vous  ai  vu.  Qu'est-ce 
que  vous  avez  donc  fait  ? 

Lormois 
De  la  salle  de  police,  Mademoiselle  et  je  n'ai  vu  âmt 
qui  vive.... 

Yvonne 

Oh  1  pauvre  Monsieur  Lormois  I 

Lormois 
Epargnez-moi    votre    commisération,    Mademoiselle. 


le  tampon  du  capiston  129 

Yvonne 
Mon  Dieu,  quel  ton  !...  Ah  !  je  devine...  Vous  m'en 
voulez  encore  à  cause  de  ce  baiser  à  Cochu  !... 

LORMOIS 

Cochu  est  plus  mahn  que  moi,  lui...  Il  a  su  se  faire 
admettre  dans  la  famille  !... 

Yvonne 

A  vous  aussi,  ce  mariage  vous  déplaît  ?... 

LORMOIS 

Vous  ne  vous  attendiez  pas  à  ce  que  je  bondisse  de 
joie  ? 

Yvonne 

Qu'est-ce  que  ça  peut  vous  faire  ? 

LORMOIS 

Moi,  rien  du  tout  !...  Je  vous  félicite...  et  je  m'en 
vais  1 

Yvonne 

Hyacinthe  !...    (Il   s'arrête.)  Qu'avez-vous,  voyons, 
on  croirait  que  vous  êtes  jaloux  de  Cochu  ? 

LORMOIS 

Cela  VOUS  étonne  ? 

Yvonne 

Ah  !  mon  Dieu  !...  je  comprends  tout... 

LORMOIS 

Enfin  ! 

Yvonne 

Vous  êtes  amoureux  de  ma  tante... 

LORMOIS 

De  votre  tante  !...  Moi  !... 


130  le  tampon  du  capiston 

Yvonne 
Puisqu  .  vous  êtes  jaloux  de  Cochu  I 

LORMOIS 

Pardon..  Pardon  !...  Ce  n'est  pas  vous  qui  épousez 
l'ordonnance  ?... 

Yvonne 

Moi  ?  Vous  avez  pu  croire  ?.., 

LoRMOIS 

Dame  !  Après  ce  baiser... 

Yvonne 

Un  mouvement  de  dépit...  Le  notaire  m'avait  ra- 
conté que  vous  alliez  épouser  ma  tante... 

LORMOIS 

Il  a  dit  ça  ?...  Mais  c'est  un  monstre  que  ce  tabel- 
lion ! 

Yvonne 

Quand  nous  le  verrons,  nous  lui  dirons  deux  mots... 
En  attendant,  puisque  le  commandant  n'a  pas  voulu 
vous  servir  d'intermédiaire,  il  faut  demander  vous- 
même  ma  main  à  mon  père  ! 

(Cochu  rentre  à  ce  moment,  il  a  Vair  très  mal  à  Vaise 
dans  ses  souliers.) 

LORMOIS 

Parler  à  votre  père,  je  vous  l'ai  dit,  je  n'oserai  ja- 
mais... 

Yvonne 

Mais  alors,  qui  s'en  chargera  ? 

LORMOIS 

Qui  ?...    Qui  ?... 


LE    TAMPON    BU    CAPISTON  131 

CocHW,  descendant 

Qui,  mes  enfants  ?  mais  votre  oncle  I 

Yvonne  et  Lormois 
Vous  ?... 

COCHU 

Moi,  le  mari  de  votre  tante...  Je  vais  être,  comme  qui 
dirait  votre  trait  d'union  providentiel.... 

Yvonne,  avec  doute 

C'est    égal...    je    préférerais... 

CocHU,   V interrompant 

Je  connais  Hector...  Et  pis,  Je  sais  le  prendre...  j* 
suis    diplomatique... 

Lormois 

Je  vous  remercie,  mais... 

CoCHU 

Ghers  petits....  Embrassez -moi,  ma  nièce... 
(Il  embrasse   Yvonne.) 

Lormois 
Permettez... 

CoCHU 

Embrasse-moi   aussi,    mon   neveu...    (Apercevant   le 
capitaine.)   Voilà   Hector,  laissez-moi  faire... 

SCÈNE  VIII 

LES  MÊMES,  plus  LE  CAPITAINE 

Le  capitaine,  entrant 

^.^i     Tiens,  Lormois,  je  suis  content  de  vous  revoir.  Puis- 
^        que  le  colonel  nous  quitte,  je  vous  reprends  comme  se> 


il32  LE    TAMPON    DU    GAPISTON 

crétaire.  Vous  me  ferez  deux  jours  pour  vos  bottes  qui 
ne  sont  pas  à  l'ordonnance. 

LORMOIS 

Merci,  mon  capitaine. 

Cocnu 

Hector,  il  est  temps  que  nous  nous  occupions  du 
bonheur  de  cette  enfant  !... 
(Il  montre    Yvotine.) 

Le    capitaine 
De  ma  fille  ?... 

COCHU 

De  ma  nièce...  Je  crois  qu'elle  est  aimée  par  un  brave 
garçon,  loyal  et  sympathique... 

Le  capitaine 

De  quoi  vous  mêlez-vous  ?... 

CoCHU 

Hector  I... 

Le   capitaine 

Je  vous  défends  de  m'appeler  Hector  ! 

LoRMOis,    bas   à    Yvonne 

Ça  va  mal... 

CoCHU 

Beau-frère,  j'ai  promis  à  ce  jeune  homme  de  demander 
pour  lui  la  main  de... 

Le  capitaine 

D'Yvonne  ?  Eh  bien  !  vous  direz  à  l'idiot  qui  a  été 
choisir  un  ambassadeur  de  votre  espèce  que  ce  trait-là 
me  suffît  pour  le  juger  et  qu'il  ne  sera  jamais  mon  gendre. 

GOCHV 

QueUe  soupe  au  lait  !... 


le  tampon  du  (apiston  13  3 

Le  capitaine 
Jamais  1 

COCHTJ 

Attendez  donc  que  je  vous  explique  !  Le  prétendant 
en  question  c'est... 

LoRMOis,  vivement 
C'est  inutile  de  le  nommer. 

Yvonne 
Tout  à  fait  inutile... 

LoRMOis,   même  jeu 

Puisque  le  capitaine  ne  veut  rien  savoir. 

Yvonne 

Je   ne   veux  rien   savoir   non   plus. 

Le  capitaine 

A  la  bonne  heure  !  Venez  tous  les  deux...  (Montrant 
Cochu.)  Cet  être-là  a  le  don  de  m'exaspérer... 

Yvonne,  le  suivant 
Voilà,  papa... 

Le  capitaine 
Et  puis,  de  quoi  se  mêle-t-il  ? 

^  Yvonne 

Oui...  de  quoi  ? 

LORMOIS 

De  quoi  ?  (Bas  à  Yvonne  en  sortant  derrière  le  eapi- 
taine.)  Ce  n'est  pas  encore  ça  le  fdon  ! 

Le  capitaine,  à  Cochu 
Oh  !  vous  !  ce  que  vous  m'exaspérez  ! 
^"^  Cochu 

Dis-moi  donc  tu,  Hector,  c'est  ridicule;  Tu  me  dii 


.^' 


^ 


134  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

VOUS,  moi  je  te  tutoyé,  j'ai     Timpression    de  parler 
à   mon  ordonnance  ! 

Le  capitaine,  sortant 
Oh  !   celui-là  1 


SCENE    IX 

COCHU,  puis  BRIFFOTEAU 


CocHU,  seul 
Qu'il  est  raboteux,  cet  homme-là  !...  Avec  ça  que  mes 
godasses    vernies    commencent    à    mécaniser  mes  oi- 
gnons., pardon...   mes  excroissances... 

BniFFOTEAU,  entrant 
Monsieur  permet  que  j'emporte  le  plateau  ^ 

CoCHU 

Briffoteau  ? 

Briffoteau 
Monsieur  ?... 

CocHU 

Toi  aussi,  tu  es  fâché  contre  moi  ? 

Briffoteau 
Pas  du  tout  I 

GOCHU 

Si...  Tu  m'en  veux  de  t'avoir  enguirlandé  tout  à 
rheur?... 

Briffoteau,  atner 
Si  peu  I... 

CocHU,  lui  versant  à  boire 
Mais,  c'était  pour  la  frime,  pour  faire  le  genltleman... 

Briffoteau 
Sans  blague  ? 


LR    TAMPON    DU    CAPISTON  135 

COCHU 

Je  le  le  jure  !  (Offrant  un  cigare.)  Tiens  I...  Prends  ce 

mégot  ! 

Briffoteau 
Merci... 

CoCHU 

Dans  le  fonds,  t'es  resté  mon  vieux  poteau,  avec  rui 
qu'on  a  bouffé  du  singe  ensemble... 

Briffoteau 

Mon  vieux  Cochu,  je  te  retrouve  I 

CoCHU 

Et  puis,  je  peux  bien  de  le  dire...  j'étais  jaloux  de  toi  ! 

Briffoteau 
Jaloux  ?...  A  cause  de  Mélanie  ? 

Cochu 
Ben  oui...  quoi...  ça  me  chiffonne,  l'idée  qu*avec  toi... 

Briffoteau 
Mais  elle  ne  veut  rien  savoir  avec  moi  I... 

CoCHU 

Tu   char.ries  ! 

Briffoteau 

Je  te  le  dis...  Tout  à  l'heure,  j'ai  essayé  de  l'em- 
brasser dans  sa  cuisine  et  dans  le  cou,  elle  m'a  fichw 
une  baffe  1 

CoCHU 

Elle  t'a  fichu  ?...  Prends  encore  un  cigare  ! 

Briffoteau 
Merci...  Si  tu  veux  mon  avis,  c'est  toujours  toi  qu'elle 
a  dans  la  peau. 


13G  t.E    TA  M  TON     PU    CAPISTON 

Cocnu,     radieux 
C'est    toujours...    (Lui    donnant    plusieurs    cigares./ 
Tuas  !...  Prends  le  restant  de  la  uode...  (On  sonne.)... 
On  sonne,  je  vais  ouvrir  I 

Briffoteau 

Mais  non,  maintenant  c'est  plus  toi,  c'est  moi... 
(Il  sort.) 

CocHU,    seul 

C'est  vrai,  je  suis  bête...  !  (Avec  une  grimace  doulou- 
reuse.) Sacrés  vernis  !...  Je  commence  à  avoir  les  pieds 
sans  connaissance  I 


SCÈNE  X 

COCHU,   BRIFFOTEAU,    LE  CAPITAINE, 

HORTENSE 

Briffoteau 
Ah  !  mon  vieux,  c'est  le  commandant... 

CocHU 
Mon  ancien  rival  !... 

BRiyFOTEAU,  frappant  à  la  porte  du  capitaine 

iLon  capitaine,  mon  capitaine,  c'est  ie  commandant. 

Le    CAriTAiNE,    entrant 
c  Vous   dites  ? 

Briffoteau 

C'est  îe  con.mandant  qu'est  habillé  en  colonel,  et 
qui  veut  vous  parler  à  vous  et  à  M''^  Horiense, 

Le  capitaine 

Ça,  pour  une  tuile...  Prévenez  ces  dames,  Briffoem. 


y 


y 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  137 

GocHU,  à  Briffoteau 

Et  tâchez  d'en  mettre,  abruti  ! 
(Briffoteau   sort.) 

Le  capitaine,  à  Cochu 
Quant  à  vous,  vous  allez  me  débarrasser  le  plancher..; 
je  ne  veux  à  aucun  prix  que  le  colonel  vous  rencontre 
chez  moi,  installé  en  parent... 

CoCHU 

Voyons,  je  ne  peux  pas  laisser  Hortense  en  tête  à 
tête  avec  son  ancien  flirte... 

Voix  DU  commandant 
Eh  bien  !  Reverchon,  êtes-vous  là  ? 

Le  capitaine 

Tonnerre  !  Le  voilà...  (A  Cochu.)  Voulez-vous  me 
ficher  le  camp  ! 

GocHu 
Hector,  soyez  raisonnable  !... 

Le  capitaine 
Vous  refusez  de  partir...  C'est  bien...  (Allant  ouvrir 
le  placard  à  gauche.)   Entrez  là  dedans  ! 

GoCHU 

Dans  le  placard  aux  liqueurs  ? 

Le  capitaine,  terrible,  le  poussant  dans  le  placard 

Entrez  I...  tout  de  suite...  ou  je  vous  passe  mon  sabre 
au   travers  du  corps... 

(Il  enferme  Cochu  dans  le  placard  et  laisse  la  clef  sur 
la    porte.) 


138  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 


SCÈNE    XI 


^ 


LE  CAPITAINE,   LE   LIEUTENANT-COLONEL. 
HORTENSE,    YVONNE 

Le  capitaine 
Donnez-vous  donc  la  peine  d'entrer,  mon  colonel  I 

Le  lieutenant-colonel 
Bonjour,  Reverchon  I  Vous  avez  sans  doute  appris  ma 
promotion  ? 

Le  capitaine 
Avec  grand  plaisir,  mon  colonel...  (Hortense  et  Yvonne 
entrent. )Ei  voici  ces  dames  qui  viennent  vous  féliciter..^ 

Le  colonel 
Mesdemoiselles... 

Hortense 
Colonel...  Je  suis  ravie... 

Yvonne 
Bravo  !    Colonel  ! 

Le    colonel 
Trop  .limables,   Mesdemoiselles.  Je    ne   voulais   pas 
quitter  cv>tte  garnison  sans  vous  présenter  mes  hom- 
mages. 

Hortense 

On   n*est  pas   plus   gracieux  ! 
Yvonne 
Ma  tante,  si  nous  offrions  une  tasse  de  thé  au  colonel  ? 

Le    capitaine 
Excellente  idée...  si  le  colonel  ne  nous  a  pas  gardé 
rancune  de  certaine  réception... 


<^ 


^■ 


le  tampon  du  catiston  139 

Le  colonel 
Du  tout...  du  tout...  vous  aviez  une  brute  d'ordon- 
nance... (Tout  le  monde  tousse.)  Tiens  !  vous  êtes  enrhu- 
més ? 

Le  capitaine 
Oui.,  un  peu. 

Yvonne 
Je  vais  faire  préparer  le  thé. 
(Elle  sort.) 

Le  colonel,  à  Hortense 
Inutile  de  vous  dire,  Mademoiselle,  que  j'emporte  à 
Laval  le  mélancolique  souvenir  d'un  projet  d'union,  que 
je  caressais  vainement. 
(Bruit  de  bouteilles  cassées  dans  le  placard.) 

Le  colonel 
Qu'est-ce  que  c'est  que  ça  ? 

Le  capitaine 
Rien,  mon  colonel,  ce  n'est  rien. 

Hortense 
Oh  I  pardon.,  j'ai  entendu  aussi.... 
Le  capitaine 
~    Je  te  dis  que  ça  n'est  rien...  Ce  sont  les  tapissiers 
dans  la  maison  voisine. 

Yvonne,  rentrant 
On  va  nous  apporter  le  thé. 

Le  capitaine,  bas  à  Hortense 
Hortense...  le  colonel  est  charmant...  Dis-lui  quelque 
chose  d'aimable. 

Hortense 

S  »it...  (Au  colonel.)  Colonel,  croyez  bien  que  j'eusse 


l'iO  LE    TAMPON    DU    CAFISTON 

été  ravie  de  l^er  ma  destinée  à  la  vôtre...  Mais,  que 
voulez-vous  !  lorsque  vous  m'avez  fait  votre  demande, 
mon  cœur  ne  m'appartenait  plus. 
Le   colonel 
En  effet,  j'ai  appris  que  vous  épousiez  un  homme  d^ 
mon  régiment...  un  simple  soldat... 

Le  capitaine 
A-ïe,   il  sait  ! 

Le    colonel 

Un  nommé  Lormois... 

Yvonne 

Lormois  ?...  Ah  !  non  !,.. 

HORTENSE 

Mais  pas  du  tout,  cclonel  1... 

Le    colonel 

Comment  ?   Ce   n'est  pas  lui  ?   Mais   alors,   maître 
Pouponet  s'est  moqué  de  moi... 

HORTENSE 

Ce  notaire  est  un  mystiiicaleur... 

Le  colonel 
Mais  dans  ce  cas,  sauf  indiscrétion,  qui  épousez-vous  ? 

Le  CAPITAINE,  toussant 
Hum  1 

Hortense 

J'épouse   un   gentleman-farmer...    un   gros   proprié- 
taire terrien... 

(Bruit  jormidable  de  bouteilles  cassées.) 

Yvonne  et  Hortense,  effrayées 
Ahf 


le  tampon  df  capiston  141 

Le  colonel 
On  casse  des  bouteilles. 

Le  capiatine 
Ce   sont   les   tapissiers... 

^-'^  HORTENSE 

Mais  non,  ça  vient  du  placard  aux  liqueurs. 

Le  capitaine 
Mais  non... 


^ 


/ 


Yvonne 
Mais  si,  papa  ! 

Le  colonel 
Ces  demoiselles  ont  raison,  ça  vient  de  ce  côté. 
(Il  ça  au  plox:ard  et  Vouvre») 

SCÈNE    XII 

LES    MÊMES,    plus    COCHU 

CocHU,   paraissant^  légèrement   titubant 
Je  vous  demande  pardon  ! 

Le  colonel 
Qu'est-ce  que  c'est  que  ça  ? 

HoRTENSE 

Mon  fiancé  ! 

Le  capitaine,  à  part 
La  brute  ! 

HoRTENSE 

Que  faisiez-vous  là  dedans  ? 

CocHU 

Je  me  soûlais,  Hortense... 


142  LE    TAMPCN    DU    CAriSfOM 

HORTENSE 

Hein  ? 

Le  colonel 
Que    dit-il  ? 

GOCHU 

Je  me  soûlais  sans  boire,  ce  qui  est  bien  désa^'rca- 
ble...  j'ai  cassé  deux  bouteilles  d'ormoniac...  raicool 
s'était  répandue  et  elle  me  montait  au  cerveau... 

Yvonne 
Mais,  qui  vous  avait  enfermé  dans  ce  placard  ? 

COCHU 

C*est  le  capitaine,  Yvonne  ! 

Le  capitaine 
C'est  faux...  ou  alors,  c'est  par  mégarde... 

CoCHU 

Oui,  par  mégarde,  pour  que  je  ne  voie  pas  le  coloneL 

Le  capitaine 
Taisez-vous,  vous  ne  savez  plus  ce  que  vous  dites. 

Le  colonel,  à  Hortense 
Alors,  Monsieur  est  l'heureux  élu  ? 

Hortense 
Oui,  colonel... 

Le  colonel,  tendant  la  main  à  Cochu 
Charmé,   Monsieur,  charmé... 

CocHu 
Et  moi  trop-z-honoré,  mon  colonel. 
(Il  baise  la  main  du  colonel.) 

Le  colonel 
Comment  ?  11  me  baise  la  main  ?... 


LE    TAMPÛ       DU    CAPISTON  143 

HORTENSE 

Vous  êtes  fou  ! 

COCHU 

Vous  m'avez  dit  qu'avec  les  personnes  distinguées... 
Le   colonel,   à  part 

Drôle  de  pistolet  !  Où  ai-je  vu  cette  tête-là  ?  (A 
Cochu.)  Alors,  Monsieur,  il  paraît  que  vous  vous  occu- 
pez de  la  culture  ? 

Cochu 
Oui,  mon  colonel...  la  culture,  ça  me  connaît. 

Le   colonel 
Qu'est-ce  que  vous  préférez  comme  engrais  ? 

Cochu 

Le  fumier  d'humains,  mon  colonel  ou  alors  le  superbe 
phosphate... 

Le   colonel 

Vous  voulez  dire  «  du  superphosphate...  »  (A  part.) 
Qu'est-ce  que  c'est  que  ce  type  là  ? 

COGHU 

Eh  !  ben  !  U  est  ignorant  ! 

Yvonne,  apercevant  Briffoteau,  qui  entre  avec 
le  service  à  thé 
Voici  le  thé. 

Hortense,  bas  à  Cochu 
Je  vous  en  prie,  Isidore,  devant  le  colonel,  soyez 
homme  du  monde. 

Cochu 
Vous  bilez  pas  !  (A  Briffoteau.)  Ne  secouez  pas  le 
plateau  comme  ça,  espèce  de  buse  I  Vous  allez  casser 
notre  service  en  porcelaine  de  chèvre. 


144  le  tampon  du  capiston 

Briffoteau 
Que  Monsieur  m'excuse,  mais... 

COCHU 

Tâchez  de  ne  pas  répondre,  hein  ?  Ane  bâté,  face 
d'andouille  ! 

Le   colonel 

Vous  êtes  sévère,  Monsieur... 

CocHU 
Excusez-moi,  mon  colonel,  de  gueuler  comme  ça, 
mais  avec  ces  brutes  d'ordonnances  !... 

Le  capitaine 
Taisez-Tous  donc  ! 

CoCHU 

Allez,  servez  et  proprement  sans  en  renverser  dans 
le  cou  du  colonel,  doublure  d'huître...  (Bas  à  Brij- 
foieau.)  C'est  pour  la  frime  !  T'auras  encore  des  cigares. 
(Haut.)  Allez  chercher  pour  le  colonel  la  flûto  et  en 
pain,  n'est-ce  pas  ?...  gros  tas  d'imbécile... 

Briffoteau 

Bien,  Mossieur  !  Merci,  Mossieur... 
(Il  sort.) 

Yvonne 

Combien  de  sucres,  colonel  ? 

Le    colonel 

Six  morceaux,  comme  d'habitude. 

Yvonne,  à  Cochu 
Et  vous  ? 

CoCHU 

Si  Hortense  m'eusse  sucré,  j'en  eusse  réclamé  douze.^ 


LF    TAMPON    DU    CAPI5T0N  145 

(  i  part.)   Saloperie   de    vernis.    Faut    que   j'en    ôte 

un.... 

(Pendant  ce  qui  suit,  il  ôte  une  de  ses  bottines.) 

Mêlante,   entrant,   en  pleurnichant 
V'ià  la  flûte  ! 

■  HORIENSE 

Vous  pleurnichez  encore,  vous  !..,  C'est  assommant  I 

Le   colonel 
Pauvre  fille  !...  qu'est-ce  que  vous  avez  ? 

MÉLANIE 

C'est  rapport  à  la  flûte,  mon  colonel.  Elle  me  rappelle 
un  homme,  que  j'ai  beaucoup  aimé.... 

Le  capitaine 

«î   Vous  n'allez  pas  faire  vos  confidences  au  colonel., 
débarrassez-moi  le  plancher,  et  au  trot... 

COCHU 

Et  au  galop  I...  (Au  colonel.)  Excusez-moi,  le  service 
est  déplorable...  Une  fois  marié,  je  changerai  tout  ça... 
(A  part.)  Aïe  !  c'est  l'autre  godasse,  à  présent...  tant 
pis...  je  souffre  trop.... 

(Il  retire  sa  seconde  bottine.) 

Lb  COLONEL 

Et  vous,  Mademoiselle  Yvonne,  le  mariage  de  votre 
tante  ne  vous  incite-t-il  pas  à  en  faire  autant  ? 

Yvonne 

Oh  !  que  si,  colonel  ! 

Le   COLONEL 

Ah  !  ah  I  j'ai  touché  juste  ! 


146  LK    TAMPON    DU    C.AIMSTO'ff 

Briffoteau,  buttant  dans  les  souliers  de  Cochu 

Ah  !  zut,  des  croqueiiots  qui  traînent  (Il  ramasse  les 
tovliers  et  les  emporte.)  Je  vais  ](""  rangtif. 
(Il  sort.) 

Le   colonel,  à    Yvonne 

Nous  disions  donc,  Alademois€lle,  qu«  vous  aviez  dis* 
lingue  un  jeune  homme... 

Yvonne 
Oui,  colonel,  et  il  ne  dépendrait  qiio  df  papa... 

Le  colonel 

Kh  bien  !  alors  ? 

Le  capitaine 
Mon  colonel,  cest  la  première  n»  nvplle... 

Cochu,  à  part 

Bon  Dieu  !  Mes  codasses  qui  se  soi;!  débinôes... 
(Il  les  cherche  pettdant  ce  qui  suit.) 

Lk  capitaine,  à   Yvnine 

De  qui  s'agil-il  ? 

Le  colonel,  à  Yvmn^e 

Oui...  Voyons,  dites-nous  ça... 

Yvonne 

Celui  que  j'aime,  c'est  M.  Lormois..*; 

Le  capitaine 

Lormois  I...  Pourquoi  ne  l'as-tu  pas  dit  plus  vite  ? 

Yvonne 

Tu  lui  accorduiais  ma  main  ? 

Le  capitaine 

Volontiers,    il   m'est    très   sympathique. 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  147 

Cociii ,   cherchant  ses    bottines 

Je  r;iv;v.i  dit...  (A  part.)  Si  je  connaissais  Tenfaut  de 
salaud  qui  me  les  a  barbotées. 

Yvonne 

Oh  !  pâpa>  que  je  suis  contente...  Je  brute  4e  lui  an- 
noncer la  bonne  nouvelle. 

Le  colonel 

Il  est  ici  ?  AlorSj  allons  y  tous... 

Le  capitaine 
Allons-y... 
(Tout  le  monde  se  lève.) 

Le  colonel 
D'abord   je   dois  une  rovanciic  à  ce  pauvre  jeune 
homme  quo  cet  idiot  de  notaire  m'avait  fait  prendre 
en  grippe. 

Hortense,  à  Cocku  qui  reste  assis  et  cherche  à 
dissimuler    ët;s    pieds 

Eh  bien  î  Isidore,  venez-vou»  f 

GOCHU 

Je  voudrais  bien,  mais... 

Le  colonel 
Ah  1  ça,  qu'est-ce  que  vous  avez  aux  pieds  ?... 

COCHU 

Mes  croquenots  se  sont  débinés... 

Le  capitaine 
-    Oh! 

GOCHU 

Alors,  je  suis  t'«n  chaussettes... 


148  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

Le  colonel,  riant 
Il  est  en  chaussettes... 

COCHU 

Pardon,  excuses.;.   Je  vas  remettre  mes  godillots.. 
(Il  sort  en  marchant  sur  le  bout  des  pieds.) 

Le  colonel,  au  capitaine 
Original,  votre  futur  beau-frère  ! 

Le  capitaine 
Ne  m'en  parlez  pas,  mon  colonel...  Je  ne  peux  pas 
le    sentir  1 

SCÈNE  Xlll 

LES  MÊMES,  POUPONBT 

r.iUFFOTEAU.    entrant   et   annonçant   Maître     Pouponetl 
Maître  Pouponnet... 
fil  sort.) 

Ll   CAPITAINE 

Tout  à  l'heure...  (Au  colonel.)  Allons  voir  Lormois... 
(Il  se  dirige  vers  le  fond.) 

Le  colonel 

Pardon...  Un  mot  à  ce  notaire...  (A  Pouponet  qtU 
'litre,  la  mine  réjouie»)  Dites  donc,  vous...  Quand  on  Lit 
pas  sûr  de  oe  qu*on  avance,  on  se  tait  I 

PoupONBT,  interèU 
Colonel... 

Le    COLONBt 

Ou  alors,  on  est  un  vieux  crétin  I  (Au  capitaine.)  J« 
vous  suis  I... 

(Il  sort  aifec  le  capitaine.) 


LE    TAMPON    DU    CAPISTON  149 

Yvonne,  au  colonel 
Pardon  !    Uûo    seconde...    (Allant    ver.;    Pcuponet.) 
Maître  Pouponet,  vous  m'avez  fait  une  (arce  stupidc  ! 

POUPONET 

Moi  ?... 

Yvonne 
A  cause  de  vous,  j'ai  failli  ne  pas  me  marier...  Mon 
fiancé  vous  en  demandera  raison... 

PoUPONET 

Mademoiselle... 

Yvonne 
Voilà  ce  que  vous  êtes  :  un  vieux  fumiste  !...  (Re- 
montant.) Je  viens,  papa... 

(Elle  sort  derrière  le  colonel  et  le  capitaine.) 

SCENE  XIV 

HORTENSE,    POUPONET,    puis    LE    COLONEL, 
et  LE  CAPITAINE 

Pouponet,  à  Hortense 
Charmant  accueil  I...  Mais,  qu'est-ce  qu'ils  ont  con* 
tre  moi  ? 

Hortense 
Vous  êtes  un  gaffeur,  vous  avez  raconté  à  tout  le 
mond^  que  j'épousais  M.  Lormois. 

Pouponet 
Ne  m'avez-vous  pas  dit  vous-même  que  vous  épou- 
liez  l'heureux  héritier  ? 

Hortense 
Eh  bien  !  oui...  Cochu  ! 


150  LE    TAMPON    DU    CAPISTON 

POUPONET 

Co^hu  ?^.  Connais  pas...  Cest  le  cavalier  Lormois,  à 
qui  je  viens  d'annoncer  qu'il  hérite  de  trois  millions... 

HORTENSE 

Lormois...  C'est...  Ah  1 
(Elle  s^évanouit.) 

Poupon  ET,  la  recevant  d-ans  ses  bras 
Hé  !  là  I.  .  MademoisoUc... 

Le   capitaine,   rentrant,   suivi  du  colonel 
Qui  est-ce  qui  crie  comme  ça  ?   (Apercevant  Hor- 
tense  dans  les  bras  de  Pouponet.)  Hortense  ! 

Le  colonel,  se  précipitant 

Elle  se  trouve  mal  I... 

(Il  la  prend  dans  ses  bras.) 

Le  capitaine,  entraînant  Pouponet  à  Vécart 
Qu'a-t-cUe  ? 

Pouponet 

LUe  a  cru  que  c'était  Cochu  qui  héritait  des  trois  mil- 
lions de  Lormois... 

Le  capitaine 

Lormois  hérite...  et  elle  a  cru...  Voilà  donc  pourquoi,.. 
La  vieille  avare  ! 

Le  colonel  asseyant  Hortense  dans  un  fauteuil 

Mademoiselle  Hortense..,  Il  faudrait  la  dégrafer... 
{Il  commence  à  la  dégrafer.)  Mazette  !...  La  belle  poi- 
trine I... 

Hortense,  ouvrant  les  yeux 

Où  suife-je  ?...  Ah  !  colonel  I... 


lk  tampon  dl*  capiâxûn  151 

Le  colonel 
Hortense.  re venez  à  vous  I 

HORTENSE 

Non,   colonel,   c'est   à   vous  que  je  reviendrai...  si 
vous  le  voulez  bien... 

Le  colonel 

A  moi  l...  Alors...  cet  évanouissement  ? 

HORTENSE 

La  douleur  de  constater  quelle  supériorité  vous  ave? 
sur  Têtre  indigne,  que  je  vous  avais  préféré... 

Le  colonel 

HorbBiise  I  Tout  est  oublié  I... 

SCÈNE  XV 

LES    MÊMES,    LORMOIS,    YVONNE,    COCHU 

MËLANIE 

Yvonne,     entrant,     suivie     de     Lormois 
Allons  I  poltron...  Venez  remercier  papa... 

Lormois 
Votre  main  et  trois  millions,  c'est  trop  de  chance  à 
la  fois  i 

HoftTENSE 

La  difficulté  va  être  do  me  débarrasser  de  cet  idiot... 

CocHU,  entrant  suivi  de  Mêlante;  il  a  remis  ses  godillots 

de  soldat. 

Viens,  Mélanie,  je  vas  leur  z*y  dire...  Ilortense,  j« 
vas  vous  crever  le  cœur,  mais  je  vou<=  rf>prends  ma  main.. 


IM  LE    TAMPON       DU    CAPISTON 

HORÏKNSE 

Vous  ? 

COCHU 

Pour  la  donner  à  Mélaaie...  On  s'a  dans  la  peau,  tous 
es  deux  ! 

MÉLANIE 

Mon  Cochu  I 

CocHu,  à  Hortense 

Tâchez  de  m'oublier...  je  vous  donnerai  ma  photo... 

Hortense 

Merci...  Vous  pouvez  la  ^^arder... 
(Elle  lui  tourne  le  dos.) 

MÉLANIE 

Elle  est  vexée... 

Cochu 

Elle  soufTre,  pauvre  gosse...  j'ai  tant  de  charme  I 


RIDEAU 


Bet&&ç«Q.  —  Imp.  jac<}tus  ni  Demoatroai 


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rose;  N"  18,  rouge  ;  N*  24,  rouye  foncé.  Chaque, /"raMOo.       3  60 
Rouge  sur  plaquette,  dit  rouge   de   ville  adhè- 
rent   (4    teintes);    N<»   8,   rose  clair;    N»    12,   rose; 
No  18.  rouge;  N»  24,  rouge  fonce.  Chaque,    franco.       2  40 
Crayons   grimes    6    teintes),   blanc,     gris-l)leu,  gros 

rouge,  brun,  noir,  rouge, .      .     ,      .    Chaque,  ^ranc-o.      2  40 

Crayon  grime  vermillon Chaque.      4     » 

Crayons  pour  les  ye»ix  (4  teintes).     .     Chaque,  franco.       2     » 
Blanc  gras    (6    lemies),    blanc,    chair,    naturel,    rose, 

Racliel  Rachel  foncélpoi  porcelaine)  Chaque, /'/•anco.       8     » 

Rouge  gras.      .    .         Le  pot,  franco.      8    • 

Poudre  de  riz  :  blanche,  rose,  Uachel,  naturelle. 

Chaque,  franco,  la  b  îte.       5     • 
Pâte  à  front  :  N"  17.  claire;  N»  18, foncée. 

'  Chaque,  franco, 
Fards  onctueux  :  N«  1,  chair;  N«*  1  6is, rose;  N» 2,  natu- 
rel ;  N«    2     his,    Duniaine  ;    N»    3,    naturel    foncé; 
N"  3  his,  Coo{)er  ;  No  5,  Rachel  ;  N"  6,  Rachel   foncé; 
N»    20,   blanc    (les   autres   nuances    sur  indicatjpn). 

Chaque,  franco.     10     »> 
Rouge  raisin    pour   les   lèvres  (en  étui)  ;  N»  0,  pâle  ; 

N°  1,  clair:  N»  2,  foncé     ....     Chaque,  franco.      2     » 

Beurre  de  Cacao  pour  se  dégrin)er 10     » 

Vaseline  pure ^^  tube       2     » 

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